granvillage en reportage – Les porcs de Sylvain Régnier
Pour granvillage en reportage, nous avons rejoint Sylvain Régnier, éleveur de porcs au cœur des montagnes basques. Il nous a raconté son quotidien, nous a partagé sa soif de liberté et nous a parlé du lien qui l’unit à ses animaux. Pour Sylvain, le métier de paysan ne consiste pas seulement à élever et cultiver. Il doit aussi nourrir le corps et l’esprit.
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Les cochons du berger – Sur les traces de Sylvain & ses porcs
Les porcs, Sylvain connaît sur le bout des doigts. Nous sommes allés à sa rencontre, dans sa ferme perchée sur les montagnes basques pour l’entendre nous raconter ce qui fait sa vie d’éleveur. Reproduction, alimentation, soins et même petits noms… il n’y a pas à dire, Sylvain les connaît ses bêtes.
« Les verrats sont des porcs mâles qui n’ont pas été castrés. Ils se différencient des porcs à engraissement qui le sont. Pour les truies, on les appelle « cochettes » jusqu’à leur première portée puis « coches » après la mise bas.
Les porcs grandissent lentement : il leur faut plus d’un an et demi pour atteindre un gabarit d’adulte.
Actuellement, j’ai trois reproducteurs : deux truies et un verrat. J’ai également dix-neuf porcs à l’engraissement. Ceux-là n’iront pas à l’abattoir avant d’atteindre 150 ou 160 kilos. Sur ces dix-neuf, cinq sont de futures coches. D’ici quelques semaines, elles descendront avec le verrat pour continuer le cycle.
Aujourd’hui, j’ai pris le coup de main, mais les débuts n’ont pas été sans difficulté : j’ai perdu mes reproducteurs. L’une des truies a eu des complications à sa première mise-bas. Elle a eu une infection. Le vétérinaire lui a donné une dose d’antibiotique. Elle s’est rétablie, puis a rechuté et n’a pas survécu. Une autre truie n’a jamais eu ses chaleurs et une autre encore n’était pas du tout apte à avoir des petits. Elle était en état de stress permanent, elle se montrait agressive et a fait un carnage sur ses deux portées. Il n’y a eu qu’un seul survivant. J’ai dû m’en séparer aussi. Tous les éleveurs connaissent ces problèmes à un moment ou un autre. »
À l’entendre, on pourrait croire qu’il a toujours connu ses bêtes. Pourtant, Sylvain est venu au métier d’éleveur sur le tard.
« Je me suis installé en juin 2017 puis j’ai vraiment commencé le travail à la fin de l’été, avec l’arrivée des premiers animaux. Avant ça, j’étais intérimaire. J’ai fait des petites missions en manutention, préparation de commandes, peinture, restauration, à la chaîne et même monteur de chapiteaux. Je n’ai fait que ça de mes 17 ans à mes 30 ans.
Et puis, un jour, le besoin de vivre en pleine nature, de vivre au rythme des saisons, d’être indépendant, s’est fait ressentir plus intensément. Je ne pouvais pas me contenter du rôle de consommateur responsable. Il fallait que j’aille plus loin. Et plus loin, c’était devenir paysan.
J’ai donc fait un BPREA (Brevet Professionnel Responsable d’exploitation agricole en productions animales) en 2014. Ce diplôme officiel permet d’accéder aux aides accordées aux agriculteurs. »
Une fois la graine de la reconversion semée, il ne restait plus qu’à trouver quoi faire. Pour Sylvain, les porcs ont sonné comme une douce évidence.
« Je voulais produire ce que j’aime manger. J’aime les fruits, les œufs et la viande. J’ai choisi les porcs, car j’aime bien cette bestiole : ils font ce qu’ils veulent, ils nous suivent s’ils le décident, ils mangent, jouent, se promènent… en bref, ils sont indépendants. Et j’aime ça. Ils sont toujours curieux : ils vont se nourrir d’insectes, de racines, de terre et même de cailloux. Si je leur donne quelque chose de nouveau, ils ne vont pas rechigner à goûter. C’est pour ça que je dis tout le temps aux gens de garder leurs mains près du corps !
Les porcs sont des animaux puissants. Involontairement, ils peuvent causer de sacrés dégâts.
J’ai aussi près de 170 poules réparties sur deux poulaillers dans lesquels j’ai planté des vergers. L’idée, c’est que les poules et les arbres cohabitent. Il y a une certaine complémentarité entre ces espèces : les arbres apportent de l’ombre aux poules, leurs racines attirent les insectes qui seront mangés par les poules et les poules vont entretenir le sol et le fertiliser pour contribuer à nourrir les arbres. Comme la poule est un animal de sous-bois, j’ai voulu reconstruire son habitat naturel, la faire évoluer dans un environnement favorable, dans lequel elle est à l’aise.
En tout, sur la ferme, j’ai une dizaine d’hectares. À terme, j’aimerais agrandir le verger, planter d’autres arbres fruitiers et élargir l’un des parcs à cochons. »
Sylvain respecte les saisons et fait en sorte que ses animaux vivent comme à l’état naturel. Chez lui, les porcs sont à l’air libre.
« Les truies se baladent dans le parc. Elles y font leur vie et éduquent leurs petits à la vie en plein air. Comme ça, quand ils grandissent, ils ont déjà une connaissance du terrain.
Moi, je leur donne un mélange de céréales bio à base de maïs, d’orge, de blé, de tourteaux de soja et de colza, le tout, mélangé à du sel et du calcium. J’achète la nourriture des porcs à une coopérative locale. Je n’ai pas encore les moyens de produire leur alimentation. C’est un autre métier et ça me demanderait bien dix heures de plus par semaine. Et ce temps, je ne peux pas l’inventer !
Pour la reproduction, le verrat se débrouille tout seul. Je lui amène les truies et après, c’est à lui de jouer. J’en choisis cinq et il n’a plus qu’à s’occuper d’elles. Les truies ont leurs chaleurs toutes les trois semaines. Ensuite, ça se déroule comme on l’imagine : la truie va signifier au verrat qu’elle est en chaleur, elle va le coller et ça va l’exciter. Il va passer deux ou trois jours à ses côtés. Durant tout ce temps, plus question de boire ou de manger. Il n’a qu’une chose en tête. Certains éleveurs ont même du mal à rentrer dans le parc à ce moment, car le verrat peut le considérer comme de la concurrence et se montrer très agressif.
Après ces trois jours intenses, le verrat est fatigué et va dormir. Côté truie, la gestation va durer trois mois, trois semaines et trois jours. Les petits vont rester deux mois avec leur mère. Elle va les allaiter et partager son alimentation avec eux. Je les laisse en autonomie. Dès qu’ils se sentent d’aller goûter, ils y vont. La seule chose que je leur donne à ce moment-là, c’est de l’argile bentonite qui permet de faire la flore intestinale et d’éviter les diarrhées et l’acidification intestinale. Pour le reste, ils vont gratter la terre et se faire leur propre système immunitaire.
Côté soins, je privilégie l’homéopathie. Je lis de nombreux ouvrages pour apprendre à les soigner naturellement. Comme ils ne peuvent pas mettre de granules sous la langue, je mets la solution dans un spray et je pulvérise sur le groin et l’anus, deux muqueuses facilement accessibles. Je fais en sorte de prévenir au maximum les maladies. Je veux que mes animaux puissent se construire un système immunitaire performant.
C’est important pour moi que mes animaux aient une belle vie. C’est par exemple pour ça que je ne souhaite pas qu’ils participent à des concours. Je trouve que c’est malsain. Je n’aimerais pas qu’on m’attache et qu’on me fasse défiler. Alors, c’est hors de question de leur faire subir ça. Un animal n’est pas fait pour se retrouver au milieu du bruit et de la foule. »
Sylvain a fait le choix de la bio pour son exploitation. C’est inscrit sur un contrat, mais c’est aussi quelque chose en quoi il croit.
« Le propriétaire qui nous loue le terrain, à mes voisins producteurs et moi-même, voulait que ses terres soient utilisées en bio. C’est d’ailleurs l’une des clauses signées chez le notaire.
Mais dans tous les cas, pour moi, c’était clair et net : si je me lançais, c’était en bio ! À mes yeux, la bio, c’est le respect de soi, de nos ressources, de tout ce que la nature nous offre. C’est aussi un gage de qualité pour le consommateur. Alors, attention, on peut très bien faire de bonnes choses sans avoir le label. Mais disons que c’est une garantie supplémentaire, même si je trouve que le label bio n’est pas encore assez strict. Il est révisé tous les cinq ans et chaque fois, le cahier des charges est allégé. C’est dommage, car tout l’intérêt du label, c’est d’avoir des contraintes pour préserver le côté gustatif, sociétal et environnemental du produit. Le volet gustatif saute toujours plus, le volet sociétal n’existe plus et le volet environnemental aura bientôt disparu du cahier des charges.
Mais ici, la bio, c’est plus qu’une pratique, c’est une conviction. On le fait de bon cœur et on est tous plus stricts que le cahier des charges. C’est pour ça que les contrôles réalisés par les organismes certificateurs ne me font pas peur. »
Sylvain est passionné par ce qu’il fait. Il croit en son métier, en son rôle auprès des consommateurs comme auprès de la terre. Mais il en connaît aussi les difficultés.
« J’ai le sentiment d’avoir réussi ce que je voulais accomplir. Ma ferme correspond à mes valeurs. Maintenant, il ne me reste plus qu’à gagner de l’argent avec mon activité. Et encore, ce n’est pas la seule chose à laquelle j’aspire, car je me nourris principalement de ce que je produis et pour le reste, je troque beaucoup. J’ai de la chance d’être entouré de producteurs et artisans locaux qui partagent mes valeurs. Tout près de moi, je peux trouver du pain fabriqué avec une farine d’ici, des légumes, des épices, des plantes sèches, des confitures, des conserves… par ici, il ne nous manque plus que des produits laitiers et on sera en quasi-autonomie !
L’une des grandes difficultés de mon métier, c’est aussi parfois de faire comprendre ce qu’il y a derrière le produit. Moi, dans ma clientèle, j’ai de tout : des gens qui viennent par conviction, d’autres pour le goût, d’autres pour le côté local, d’autres pour tout ça à la fois. J’ai des jeunes et des moins jeunes, des hommes et des femmes, des touristes et des gens d’ici. Tous savent le travail qu’il y a derrière ce qu’ils mangent. J’ai déjà lu ou entendu que consommer local était trop cher. Mais qu’est-ce que ça veut dire trop cher ? Quand on compare un produit paysan à un produit industriel, il ne faut pas simplement regarder le prix au kilo. Si on met une côte de porc low-cost et l’une des miennes à la poêle, la première aura perdu 30% de son jus et tout son goût à la fin de la cuisson alors que la mienne sera intacte. Parce que derrière, il y aura tout le travail réalisé en amont, auprès de mes porcs. Il ne faut pas juste s’attacher au prix. Il faut aussi regarder les qualités gustatives et organoleptiques du produit. Et puis, il y a aussi le côté humain : il faut voir comment vivent les personnes et les animaux qui ont participé à la production de la viande. Si les animaux ont été enfermés et torturés, si les humains qui y travaillent ne sont pas traités convenablement, alors est-ce que ça vaut vraiment le coup ? Il faut aussi savoir qu’un système paysan permet de créer deux fois plus d’emplois. Le prix, ce n’est pas qu’un chiffre sur une étiquette. »
Sur sa ferme, Sylvain pratique la vente directe. Pour maîtriser sa production, mais aussi par amour du contact humain.
« Ici, tout est vendu en direct. Je ne voulais pas avoir de grossistes ou de distributeurs. Je vends ma production à des magasins de producteurs, des magasins coopératifs, des restaurants. Je suis aussi sur deux marchés hebdomadaires et un marché estival. Le covid avait mis un stop aux marchés. C’est ce qui m’a le plus embêté dans tout ça. Mais nous avons rapidement mis en place un drive fermier pour maintenir le lien avec nos clients. Sinon, tout était très calme, ici. Et ce n’était pas désagréable… mais le contact humain m’a manqué. C’est trop important. Aujourd’hui, on manque cruellement de relations humaines saines et sincères. C’est pour ça que je suis sur les marchés.
Pour l’instant, je vends tout ce que je produis. Il me manque même de la marchandise. Je sais qu’il y a de la demande, mais je ne suis pas encore en capacité de fournir. Je sais que ça ne me demandera pas beaucoup plus de travail auprès des animaux. Au lieu d’amener un cochon à l’abattoir, j’en amènerai deux. Au lieu de donner à manger à 10 cochons, j’en nourrirai 15. Mais ça demande une organisation.
Je vis de mon activité, mais je ne me tire pas encore de bénéfices. Ce qui est bien, c’est que je vis sur ma ferme. Ça me permet de diminuer les frais en plus du troc. Et puis, quand il y a les mises-bas, je peux être sur place en un claquement de doigts.
Mon objectif, c’est de réussir à m’octroyer plus de temps pour moi. J’aimerais avoir au moins un jour plein par semaine à passer avec mon fils. L’année dernière, on a pris un jour et demi pour partir un peu, décrocher. C’est peu, mais quand on est éleveur, on ne peut jamais s’absenter bien longtemps. Ce sont les règles du jeu. Heureusement, mon fils n’a que six ans, mais il est bien présent sur la ferme. Il reste à mes côtés quand je travaille et ça nous permet de passer de bons moments ensemble. Il me donne même quelques coups de pouce : il me voit faire, m’accompagne dans les parcs à cochons, dans les poulaillers, à l’abattoir, dans le potager. Parfois, il m’aide même à vider le fumier avec sa petite brouette. Alors, je ne sais pas si ça suffira à créer une vocation, mais en tout cas, il prend du plaisir à le faire. Moi, je veux juste qu’il soit heureux et qu’il fasse ce qu’il aime. Et si pour lui, le bonheur c’est de prendre un sac à dos et partir à l’autre bout du monde, alors qu’il vive sa vie ! »
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© Photos : Jérôme Poulalier
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Peut on acheter par internet ? En colis ? Merci
Bonjour Fernande,
Certains producteurs granvillage proposent déjà leurs produits en ligne sur granvillage.com
D’autres arriveront très prochainement !
L’équipe granvillage
Très intéressant j’aimerais aller discuter avec Sylvain quand je me rendrais au Pays Basque