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granvillage en reportage – Les brebis de Didier Baud

Dans la catégorie Une journée avec...
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Le 26 juillet 2021
À la rencontre de Didier Baud, éleveur de brebis En savoir plus
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Pour granvillage en reportage, nous nous sommes rendus dans les montagnes ardéchoises, à la rencontre de Didier Baud, sa famille et ses brebis. Toute cette journée passée à ses côtés fut ponctuée de bêlements, d’aboiements et de bruits de sabots, mais surtout du rire de Didier. Car il a la bonne humeur communicative, Didier. À travers ses mots cueillis durant l’été 2020, découvrez le quotidien de l’éleveur.

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Le Mas des Tilleuls, Didier et ses brebis


Le Mas des Tilleuls, l’exploitation de Didier Baud et sa famille, a quelque chose d’enchanteur. Le silence est de temps en temps rompu par de joyeux bêlements et le vert des plaines se mêle harmonieusement au bleu du ciel estival. Ici, tout est calme… jusqu’à ce que le rire de Didier résonne d’échos en échos !

« J’ai commencé le métier en reprenant l’exploitation familiale. Nous avions quelques vaches laitières et un petit troupeau de brebis. Puis j’ai rencontré ma femme. Nous nous sommes mariés en 1992 et avons eu trois enfants. Ils sont grands aujourd’hui. Ma femme ne venait pas du monde agricole, mais elle a suivi une formation pour me rejoindre sur l’exploitation. Nous sommes passés en GAEC ensemble, en 2002. Nous avons délaissé les vaches et fait grossir le troupeau de brebis. À l’époque, nous faisions de l’agneau gras. Nous sommes ensuite passés à un agneau plus petit qui partait pour l’exportation à 20 kilos. »

La vie d’un agriculteur n’est jamais un long fleuve tranquille. Didier sent le vent tourner. Alors que le prix du kilo de viande n’avait cessé d’augmenter d’année en année, il stagne puis chute en quelques mois. Il le sait, une décision doit être prise :

« Nous nous sommes orientés sur des brebis laitières pour des raisons économiques. Le secteur viande commençait à tomber et nous ne voulions pas nous le prendre de plein fouet. En l’espace de quelques mois, l’agneau était devenu déficitaire en France. Des produits venus de l’extérieur étaient vendus à des prix imbattables ici, et nous ne pouvions plus nous aligner. Certains se sont crus contraints de brader leur viande. Mais nous, nous ne pouvions pas nous y résigner. »

les brebis de didier baud

Et voilà les Baud partis dans une nouvelle aventure. Et pour que ça marche, c’est toute la famille qui met la main à la pâte.

« Moi, je m’occupe des animaux. Mon fils aussi, mais il s’occupe également des travaux au sein de l’exploitation et avec ma femme, de la partie fabrication des yaourts. Il s’occupe également des livraisons. Nous nous répartissons le gros du travail à nous trois. L’une de mes filles nous donne un coup de main pour tout ce qui touche à la partie communication. Elle réalise un travail formidable que je serais incapable de faire !

Ici, nous avons chacun notre rôle, mais nous sommes toujours prêts à donner un coup de main aux autres. »

Pour faire face aux aléas qui peuvent marquer la vie d’un agriculteur, la famille a opté pour la diversification de son activité et la vente directe.

« Depuis 2018, avec l’installation de mon fils sur l’exploitation, au Mas des Tilleurs, nous faisons du lait en bouteille et quatre sortes de yaourts : des yaourts à la vanille, à la châtaigne, à la confiture de fraise ou nature. Nous vendons une partie de la production en vente directe et le reste part dans les grandes surfaces ou les magasins de producteurs de la région. Nous avons de la chance, les grandes surfaces avec lesquelles nous travaillons n’ont pas négocié nos prix. Ils ont compris qu’ils avaient tout à gagner en travaillant avec des petits producteurs locaux. Cela nous permet de vendre nos produits partout au même prix, sans avoir à les brader.

Quant au lait que nous ne transformons pas, il est vendu à une laiterie privée qui le transforme en fromage. Transformer un produit, puis le commercialiser, ce n’est pas simple. Ça demande du temps. Il faut savoir endosser le rôle d’agriculteur, transformateur, commercial, communiquant. Il faut pouvoir élever, réparer, soigner, fabriquer, gérer l’administratif, les relations. C’est prenant. J’aimerais bien avoir le temps de faire des marchés. C’est agréable et ça permet de communiquer avec les gens. Mais pour y être, il faut a minima pouvoir se réserver une matinée. Et malheureusement, je n’ai pas ce temps-là. Je sais que beaucoup d’agriculteurs sont dans le même cas de figure. C’est dommage car ce sont des métiers qui méritent qu’on les fasse connaître. Moi, j’aime ce que je fais. J’aime en parler.

Mais je suis satisfait de ce que nous accomplissons. Nous faisons au mieux pour rester réguliers, pour que nos clients soient contents de ce que nous leur vendons. »

élevage de brebis

Pour fabriquer ces yaourts et produire son lait frais, Didier prend soin de ses brebis. Elles sont choyées, soignées, adorées. Au Mas des Tilleuls, elles ont de quoi se dégourdir les pattes quand les beaux jours reviennent :

« Nous avons 90 hectares sur l’exploitation. Il y a un parcours, des prairies naturelles, des prairies artificielles, des terres de labour…

Côté animaux, nous avons 300 mères. Elles mettent bas sur deux périodes : janvier-février pour les unes, octobre-novembre pour les autres. Cela nous permet de répartit la charge de travail et de pouvoir produire tout au long de l’année, car une brebis laitière n’est traite que durant sept mois. Donc, quand les unes arrêtent, les autres prennent le relai.

Ici, nous ne faisons pas d’inséminations artificielles. Tout est naturel. Nous avons cinq béliers qui s’occupent des femelles.

Une fois nés, les agneaux restent avec leur mère durant un mois. Ceux que nous gardons pour renouveler le troupeau restent plus longtemps. Chaque année, nous en gardons près de 70. Pour les autres, ceux qui seront vendus, tout se joue durant les premiers jours : pour bien vendre un agneau, il faut bien le démarrer. Il faut qu’il ait été nourri avec du bon lait, qu’il sache bien boire et manger, qu’il ait des dents. C’est fondamental. Nous faisons en sorte qu’il soit bien nourri, qu’il prenne entre 500g et un kilo par jour. Alors, évidemment, ça représente un certain coût de les nourrir. Nous veillons à ce qu’ils ne prennent pas trop de poids non plus. Car si nous les vendons trop tard, ils seront déclassés car trop gras.

Pour qu’un agneau soit en bonne santé, il faut d’abord que la naissance se déroule dans les meilleures conditions, en peu de temps. Ensuite, sa mère doit le lécher et le sécher. Si tout s’est bien passé, alors il doit pouvoir se lever dans l’heure qui suit sa naissance pour aller téter. Nous veillons à ce qu’il prenne bien le lait de sa mère. C’est ce qui va permettre de l’immuniser. Par expérience, un agneau capable de téter dans l’heure n’aura quasiment aucun problème. Nous allons également faire attention à bien le protéger des courants d’air. Les agneaux, comme les brebis n’aiment pas les changements de température. À 12 ou 14 degrés, ils sont heureux. »

Didier n’a jamais regretté d’avoir délaissé les vaches pour les brebis. En France, la demande est là, même si le produit n’a pas encore dévoilé tout son potentiel.

« L’avantage du lait de brebis, c’est qu’il est encore assez marginal en France. Il n’est pas produit en quantités importantes. Et puis, il n’est pas trop mal payé : les bonnes années, le lait de vache est vendu 350€ pour 1 000 litres alors que le lait de brebis est vendu 900€ pour 1 000 litres. D’autant que nous le valorisons plus lorsque nous le transformons. Mais le plus dur, c’est d’arriver à vendre un produit que les gens connaissent peu. Beaucoup pensent que le lait de brebis est fort. Ils pensent directement au Roquefort. Alors que le lait de brebis est très doux. Et pour ne rien lui enlever, il est aussi très riche en protéines. Avant de goûter, certains sont réticents. Et puis, à la première bouchée, ils sont convaincus ! J’ai rarement vu des gens me dire qu’ils n’aiment pas après avoir goûté aux yaourts ou fromages.

Bon, pour ma part, je ne suis pas très lait. Mais je raffole des fromages et yaourts de brebis ! Avec de la confiture de fraise, c’est un délice. »

L’éleveur aime ses bêtes, son métier, son exploitation. Au quotidien, il fait des choix pour proposer le meilleur produit à ses clients.

les petites brebis

« Il faut savoir qu’ici, nous pratiquons une agriculture raisonnée. Nous ne sommes pas en bio, mais nous ne pratiquons ni ensilage, ni enrubannage. Nous cultivons du foin et des céréales pour nourrir les brebis au sein-même de l’exploitation.

Nous ne sommes pas en bio car nous ne pouvons pas nous passer de certaines choses. Nous travaillons au maximum avec du fumier que nous compostons, mais nous utilisons aussi un peu d’azote. Les doses sont très peu élevées, mais ça nous aide à avoir de belles cultures. Mais en tant qu’agriculteur, il y a certains choix à faire. Et même si je n’ai pas l’étiquette bio, je fais le maximum pour en être le plus naturel possible.

Mais je dois avouer que cette étiquette n’est pas toujours cohérente à mes yeux. J’ai parfois l’impression que c’est pour vendre du vent.
On fait croire aux consommateurs qu’il y a les bio et les autres. Moi, comme beaucoup d’autres, je n’utilise des antibiotiques que si c’est nécessaire. Aucun agriculteur ne le fera par plaisir. Lorsque c’est possible, je m’oriente en priorité vers des traitements naturels à base de plantes.

Et puis, ça veut dire quoi une parcelle bio cultivée entre deux terres en conventionnel ? C’est comme pour Tchernobyl ? Rien ne traverse le mur invisible ? Il faut qu’on m’explique…

Au niveau européen, les incohérences se poursuivent aussi : il n’y a pas un pays qui a les mêmes normes. En Espagne, ils vont utiliser certains produits sur leurs cultures bio qui seront interdits dans notre cahier des charges. Pourtant, ces produits se retrouveront dans nos rayons avec l’étiquette bio.

Les consommateurs doivent savoir tout ça. Ils doivent comprendre que parfois, ils paient un produit bio qui n’est finalement pas si différent d’un produit en conventionnel. »

Didier nous explique qu’il a parfois l’impression qu’il y a un décalage entre le monde agricole et le reste. Entre ceux qui produisent, ceux qui achètent et ceux qui décident.

« J’aimerais bien que les politiques qui prennent des décisions pour nous viennent ici pour voir à quoi ressemble vraiment notre quotidien. Je crois qu’il faut qu’ils aient le nez dedans pour qu’ils comprennent ce que nous faisons, ce qu’est notre vie. Ce n’est pas à l’ENA qu’on apprend tout ça. Nous avons le sentiment que ceux qui décident sont complètement déconnectés, qu’ils sont loin de nos préoccupations. Ce qui va s’appliquer à l’agriculture industrielle ne pourra pas s’appliquer à l’agriculture de montagne, et vice-versa. Quand on me parle de véhicules électriques, par exemple, ça me fait bien rire. Comment je fais, moi, sur mes chemins caillouteux ? On trime et on reçoit des leçons de gens qui ne savent rien de nous. Le fossé ne peut que s’agrandir.

Et côté consommateur, il y a aussi un peu de pédagogie à faire. Il faudrait que les gens regardent avec attention ce qu’ils achètent. Parfois, on a l’impression qu’un produit est cher, mais on n’a pas conscience de tout le travail qu’il y a derrière. Nous avons eu l’impression qu’avec l’épidémie, les mentalités avaient un peu changé. Les gens se sont aperçus qu’ils n’avaient pas besoin de faire des centaines de kilomètres pour se ravitailler. Qu’ils pouvaient avoir confiance en leurs producteurs locaux.

Alors, évidemment, il y a des abus et certains producteurs se cachent derrière une fabrication artisanale pour vendre leurs produits bien plus chers qu’ils ne le devraient. J’en avais d’ailleurs pris un la main dans le sac, sur un marché. Il me fait goûter sa tomme de brebis sans savoir que je suis moi-même éleveur. Je le questionne sur le prix et il commence à me sortir tout un discours. Je le coupe en lui disant que je suis du métier. Il est devenu livide !

En bref, nous devons tous y mettre du nôtre. »

C’est justement pour que tout le monde puisse avoir accès à son quotidien que Didier et sa famille ont répondu présents à notre appel pour participer aux reportages granvillage. Comme de nombreux agriculteurs, il souhaite montrer que son activité est bien loin des clichés qu’on lui prête.

« Lorsque l’on est éleveur, c’est difficile de décrire une journée type. Car elles se ressemblent jusqu’à ce qu’il faille gérer quelque chose en urgence. Mais disons que les journées comme en ce moment commencent par la traite de mes brebis. Avant, nous le faisions deux fois par jour. Mais finalement, nous nous sommes rendu compte que le faire une fois par jour ne changerait rien pour les brebis et nous soulageait d’une tâche. Après la traite et le nettoyage, nous emmenons les brebis à la pâture. Bon, en principe, à 10 heures, je m’accorde une pause-café. Il me faut bien de quoi recharger les batteries avant de repartir pour un tour !

J’organise mes journées selon les saisons. Si c’est la saison de la fauche, alors je pars travailler au pré, au printemps on s’occupe d’arranger les clôtures. Sinon, je rentre le bois, je vais donner un coup de main à la transformation, je mets le lait en bouteille… bref je fais ce qu’il y a à faire.

Parfois les journées sont calmes. Et d’autres fois, nous sommes affairés de l’aube au coucher de soleil.

En janvier-février, il y a les agnelages. Nous faisons tout nous-mêmes, ici. S’il fallait faire venir le vétérinaire pour chaque agneau, nous ne nous en sortirions pas ! Le toubib passe une fois par an pour le suivi sanitaire et voir si tout va bien.

Il y a aussi la tonte des brebis qui se déroule fin-mai, début juin. Car elles sont comme nous ces bêtes, elles sont frileuses. Et là aussi, c’est mon fils et moi-même qui le faisons !

L’autre période intense, c’est lors des fenaisons, lorsque nous coupons le foin. Il faut aller vite. Là encore, ce sont des grosses journées. Avec pause-café obligatoire évidemment. Normalement, nous arrivons à être autonomes avec le foin. Mais ces dernières années, avec tous les épisodes de sécheresse, ce fut assez compliqué. On en souffre, mais heureusement, ici, on a la chance d’avoir un peu de pluie durant l’été. Ça amène un peu de vert et ça nous permet de tenir. On tient en leur donnant les fourrages récoltés, mais le problème, c’est que tout ce qu’on donne à l’automne, on ne pourra pas le donner l’hiver. Et ça peut être un vrai problème. Surtout qu’ici, le printemps commence tard. Nous avons déjà eu des épisodes de sécheresse par le passé, mais nous avons l’impression que maintenant, ça dure bien plus longtemps… »

production de lait de brebis

Malgré les difficultés d’aujourd’hui et de demain, Didier se sait chanceux de faire ce qu’il fait chaque jour.

« Moi, j’aime ce que je fais. On ne m’a pas forcé à le faire, ce métier. Si on devient agriculteur par défaut, alors on ne dure pas longtemps. Ce n’est même pas la peine d’essayer. C’est un métier qu’il faut aimer de tout son cœur. Et si on aime ce que l’on fait, alors on le redécouvre encore et encore. J’apprends toujours alors que je le pratique depuis que j’ai 16 ans. Parfois je m’arrête, je regarde le paysage et j’en ai encore le souffle coupé. On rend les gens heureux en les nourrissant. Qu’y-a-il de plus beau ?

paysages brebis

Alors oui, il y a des contraintes, mais que voulez-vous ? J’ai mon frère qui disait « L’agriculture, c’est l’aventure ! ».

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