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granvillage en reportage – Les cerfs de Bourgogne d’Hervé Moreau

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Le 07 juillet 2021
À la rencontre d'Hervé Moreau, éleveur de cerfs en Bourgogne En savoir plus
cerfs hervé


C’est au cœur de la Bourgogne, dans un lieu chargé d’histoire où la nature règne en maître que nous avons rencontré Hervé Moreau et sa fille, Juliette. Leur exploitation, la ferme de Saint-Loup prend place dans l’ancien domaine de l’archevêché de Sens, là où il y avait un château, une forêt collégiale et les terres du domaine. Aujourd’hui, on peut y trouver les vestiges d’une fontaine qui aurait des vertus miraculeuses. Mais cette source magique n’était pas la raison de notre venue, vous vous en doutez bien. Nous avons parcouru tous ces kilomètres jusqu’à la vallée de l’Armançon pour voir l’élevage de la ferme de Saint-Loup et faire la connaissance des cerfs de Bourgogne.




Faire la connaissance des cerfs de Bourgogne


Lorsque l’on parle élevage, on pense souvent aux vaches, brebis ou chèvres. Cette fois, vous risquez d’être surpris·es ! En effet, c’est d’un animal réputé plus sauvage, plus mystérieux et parfois-même mystique. Il est considéré comme le roi de la forêt et Ronsard disait de lui qu’il était « mi-bête, mi-forêt ». Vous l’aurez compris, ce sont les cerfs, mais aussi les biches, les daguets et les faons d’Hervé qui nous ont attirés aux confins de la Bourgogne. Hervé nous explique :

 « Au départ, l’activité de la ferme était principalement la culture traditionnelle de céréales (avec du maïs, du soja, du blé, de l’orge ou encore de colza) et un élevage de vaches laitières. Nous avions une soixantaine de vaches laitières au sein du GAEC créé avec mes parents. Mon père s’était lancé dans les années 60, puis j’ai repris le flambeau à son départ en retraite. En 1998, j’ai eu l’opportunité de me séparer du troupeau laitier. Près de 150 bêtes ont été vendues en une seule fois, à un même acheteur. Je n’avais pas spécialement cherché à vendre, mais à cette époque, la vache folle faisait des ravages. Je me suis dit que mon troupeau pouvait en être atteint, comme ceux de certains. Alors j’ai saisi cette opportunité. Elles avaient de quoi plaire nos vaches ! Nous pratiquions la sélection génétique depuis les années 60. Nous avions de belles Holstein que nous exposions au Salon International de l’Agriculture et dans de nombreux autres événements tout aussi prestigieux en Europe. Nous avions une vraie réputation. En arrêtant cet élevage, je me disais que peut-être, un jour, j’y reviendrais… Mais je crois que quand on arrête l’élevage laitier, on arrête pour de bon. »

Hervé se recentre sur une activité à la fois proche mais différente de celle qu’il avait connue. Il se lance et la développe : sur des terrains de la ferme, plus de vingt hectares avaient été exploités pendant près de 40 ans en sablière. Les sols étaient sableux, secs l’été et inondables l’hiver. Ces terrains si difficilement exploitables sont devenus le lieu de création, en 1989, d’un élevage de cerfs. 

« Nous avons cherché des animaux capables de valoriser des terrains comme les nôtres, qui n’auraient pas besoin de bâtiment et qui vivraient en plein air intégral. Nous avons débuté avec dix bêtes, puis, de fil en aiguille, nous avons atteint les 200 bêtes dans les années 2005-2010. Aujourd’hui, le troupeau compte 130 à 140 bêtes, selon les naissances de l’année. »

élevage cerfs biches

Des parents aux enfants, les Moreau se sont succédé sur trois générations pour maintenir et faire prospérer l’élevage familial.

« Nous conservons 40 à 45 femelles pour la reproduction. Il faut savoir que les cerfs sont polygames : un mâle peut s’occuper de plusieurs femelles. Nous faisons en sorte de maintenir un système de jalousie pour que le mâle soit bien excité et ait envie de s’approprier toutes les femelles. S’il est tout seul, il va se la couler douce, il va sélectionner et certaines biches vont être tenues à l’écart ! ».

Chez les cerfs et les biches, tout est rythmé par les saisons. Quand vient le temps du brame, les mâles s’affrontent pour le rôle de dominant. Comme la nature est bien faite et que la parité semble être de mise, les biches reprennent le pouvoir quand la saison des amours prend fin.

« Il y a une hiérarchie chez les cerfs. Au début de la période de reproduction, les mâles vont se mettre à bramer, à réer de plus en plus fort. Ils vont se battre pour devenir le mâle dominant du troupeau. Celui qui sortira vainqueur sera le caïd de la saison. Ici, ça se passe comme à l’état sauvage. Ils se confrontent violemment. Je les entends bramer pendant toute la période de reproduction. À la fin de cette période, les mâles auront tellement œuvré pour saillir les femelles, qu’ils auront perdu jusqu’à 50 kilos. Durant toute la période de reproduction, manger ou dormir n’a plus d’importance pour eux. Ils se donnent à fond. Parfois, en fin de saison, c’est un autre mâle qui prend le relai quand le dominant est trop fatigué. Et puis, en décembre, tous les mâles vont se regrouper. Les combats prennent fin et c’est au tour d’une vieille biche de gérer le troupeau. Mais attention, elles ont beau avoir de l’âge, elles ont encore une sacrée autorité ! Si un cerf vient l’enquiquiner, elle se met debout et le boxe ! »

(nb : les bois du cerf tombent au printemps et repoussent instantanément, à raison de quelques cm par jour!).

« Je veille également à toujours garder un petit noyau de vieilles biches pour garder un climat de docilité. Ça nous permet aussi d’avoir des animaux plus calmes lorsque l’on a des visites.

Le travail de l’éleveur est soumis aux cycles naturels. Lorsque la période de reproduction prend fin et que le calme revient au sein du troupeau, alors vient le temps de l’abattage.

« Nous prélevons dès le mois de décembre, sur une période qui dure à peu près un mois. L’avantage avec le cerf, c’est que tout l’animal est valorisé. Des gens sont intéressés par les bois, mais aussi les peaux tannées avec ou sans poils. Il faut savoir que le cuir de cerf est l’un des plus souples qui existe. Il est très agréable et assez peu connu en France, contrairement à nos voisins allemands et autrichiens qui l’utilisent beaucoup. Côté viande, nous faisons les mêmes pièces que dans une boucherie traditionnelle : steaks, rôtis, abats… La viande de cerf est très intéressante, car c’est une viande maigre. Elle n’est pas persillée et correspond bien aux gens qui ont, par exemple, des soucis de cholestérol. Nous proposons aussi sept variétés de terrines et 3 variétés de plats cuisinés.

L’avantage avec ce type de troupeau, c’est que nous n’avons pas besoin d’aller à l’abattoir. Le prélèvement des animaux se fait dans le parc, au sein-même de l’exploitation. Cela permet d’éviter le transport qui peut être source de stress, de garantir une traçabilité et de s’assurer que tout se passe dans les meilleures conditions pour l’animal.

Pour choisir les animaux qui seront prélevés, j’identifie en priorité ceux qui mettent la panique dans le troupeau. Car les cerfs, c’est comme les moutons. S’il y en a un qui part, les autres suivent ! Je veille également à toujours garder un petit noyau de biches plus âgées pour garder un climat de docilité au sein du troupeau. Ça nous permet d’avoir des animaux plus calmes lorsque l’on a des visites.

Toutes les carcasses et les viscères sont ensuite systématiquement contrôlés par les services vétérinaires. Enfin, les bouchers parent, coupent, bardent et ficèlent les viandes qui seront ensuite commercialisées à la ferme. Du début à la fin, tout est fait sur place.

Les cerfs, biches et daguets ne sont pas des animaux que vous pouvez pousser en croissance. Ils sont saisonnés : en hiver, on peut leur donner à manger, mais ils se limiteront à ce dont ils ont besoin. Ils s’autorégulent et vivent en harmonie avec les saisons. Dès que le printemps arrive, il va y avoir un phénomène de croissance compensatrice ».

hervé moreau éleveur

La mise-bas se fait au printemps. Hervé parle de ses bêtes avec passion. Il nous explique leur quotidien et le sien. Il raconte les doux moments sans omettre les plus difficiles.

« Lorsque je me suis retrouvé tout seul sur la ferme pour gérer les 200 hectares et les cerfs, j’ai pensé que je ne tiendrai pas. Il y a les céréales, les animaux, la transformation, les marchés, l’administratif. On a beau faire, on ne peut pas être partout à la fois. Même quand on demande de l’aide à la famille. Alors, pour bien faire, je préfère voir petit. C’est pour offrir un service et des produits de qualité que je me suis orienté vers les circuits courts. Les gens méconnaissent la viande de cerf. Ils ont besoin d’être accompagnés, de comprendre qu’elle n’est pas si difficile à cuisiner, qu’elle peut être une viande à déguster lors de simples repas. La vente directe permet d’échanger, de présenter le produit et son historique. Nous vendons notre viande, nos plats et nos terrines sur place, au domaine. Un collègue a ouvert un magasin de produits bio et/ou locaux et nous y sommes aussi référencés. Nous vendons également sur les marchés événementiels, les foires et les salons, même si l’épidémie a mis un frein à tout ça. Il faudra qu’on retrousse nos manches quand tout redeviendra à la normale. Mais au moins, cette période nous aura permis de faire ce que nous avons l’habitude de repousser !»

Hervé est en cours de conversion à l’agriculture biologique pour la partie céréales de son exploitation. Comme d’autres agriculteurs et éleveurs, il a fait ce choix pour répondre à la demande des consommateurs·ices, mais aussi par convictions personnelles.

hervé éleveur en bourgogne

« L’exploitation céréalière est en bio depuis deux ans. Mes animaux ne sont pas encore passés en bio, car je ne sais pas comment harmoniser tout ça au niveau de la transformation. Il faut que les ingrédients des terrines soient bio et ce n’est pas facile à mettre en place. Mais je ne désespère pas, nous y arriverons un jour ! C’est un nouveau challenge pour nous et c’est une motivation de plus. Après 30 ans de cultures céréalières, j’avais l’impression d’avoir fait le tour. Le passage à la bio permet de travailler avec un support vivant et de s’éloigner de cette injonction au rendement. En bio, on laisse les champs reposer avec de la luzerne pour les nettoyer et les enrichir, on cultive d’autres céréales (sorgho, sarrasin…). C’est un autre raisonnement. C’est une sorte de remise en question de ce qui nous semblait acquis et ça me plaît. D’autres collègues ont suivi le mouvement. On a beaucoup échangé à ce sujet. On a créé un petit groupe pour s’entraider. Nous sommes nombreux à passer en bio. Le marché est porteur et les mentalités changent. Évidemment, il faut des certifications pour que tout ce travail soit reconnu. L’obtention du label signifie qu’on est sur le bon chemin. Nous devons quand même rester vigilants car d’autres pays ne légifèrent pas de la même manière au sujet du bio. »

Pour Hervé, rien n’est jamais acquis et la clé du succès, c’est de savoir sortir de sa zone de confort. Sa fille, Juliette, suit les traces de son père. Elle précise :

« Avec mon conjoint, nous aimerions accueillir des groupes au sein-même de l’environnement naturel du cerf. Nous souhaitons reconstruire son biotope et montrer comment il évolue à l’état sauvage. Nous avons un projet écologique et durable, axé sur la nature. Nous espérons monter rapidement ce projet car il faut encourager et aider les jeunes qui souhaitent se lancer. »

Pour Juliette, ouvrir les portes de l’exploitation, c’est aussi montrer la réalité de leur métier, au-delà des clichés :

«Le cerf est un animal sauvage. Il est fait pour vivre dans la nature, pas dans des bâtiments bétonnés. J’ai toujours côtoyé les animaux « en liberté ». Alors évidemment, quand je vois certaines dérives, heureusement assez rares, ça me révolte. Ici, le bien-être animal est au cœur de nos préoccupations. Même si l’animal est destiné à la consommation, il doit être respecté jusqu’au bout. Ce sont les valeurs que nous véhiculons et nous voulons que les gens comprennent comment ça se passe. »

Mais malgré les contraintes et les difficultés du métier, père et fille reconnaissent que rien ne vaut les doux instants qu’il offre : « Il y a quelque chose que j’aime vraiment, c’est quand je passe le matin ou le soir, qu’il y a un petit peu de brume et que les animaux sont en période de brame. Leur brame résonne, on n’entend que ça, on sait qu’ils sont tout près. Il y a les périodes de mise-bas, quand les petits faons sautillent partout. Ça amène de la vie et la joie sur l’exploitation. »

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