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Paroles d’agriculteurs par temps d'épidémie – 1 mois plus tard

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Le 25 avril 2020
Les agriculteurs s'expriment sur l'épidémie En savoir plus
agriculteurs confinés

Il y a un mois, alors que la France entière se confinait, nous avions demandé à Valérie, Gaël et Jean-Pierre de partager leur ressenti sur la situation. À l’instar de bon nombre de français, les lendemains leur semblaient bien incertains. Un mois plus tard, nous avons à nouveau recueilli leurs mots. Aujourd’hui, l’espoir et la résilience se sont érigés en remparts contre la peur et l’appréhension des premiers temps.

À vous qui nous lisez, n’oubliez pas de soutenir encore et toujours les producteurs locaux qui font la grandeur de l’agriculture française.

Agriculteurs : ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort

Valérie Mouton-Ferier – productrice de safran

valérie

« En ce qui me concerne, mon principal souci est la trésorerie. Mes produits se conservent, je ne risque donc pas de les perdre. Cependant, ils ne sont pas considérés comme des produits de première nécessité. Les ventes se font rares. Les événements prévus chez moi ou au niveau national ont tous été annulés. Quelques marchés hebdomadaires sont maintenus, mais ne sont pas vraiment adaptés à mon activité.

Je me suis renseignée pour obtenir l’aide de l’État pour compenser la perte de chiffre d’affaires. Malheureusement, ma situation ne répond pas aux critères pour en bénéficier. Il faudrait que je me renseigne sur le prêt garanti par l’État.

Sans lien avec l’épidémie, j’ai l’opportunité de rejoindre un GAEC. Cela ne facilite pas les démarches, mais ça me rassure et me permet d’appréhender l’avenir avec plus de sérénité.

Ce qui m’aiderait, c’est que la mesure d’aide exceptionnelle prévue pour mars soit aussi valable pour avril. Je ne sais pas si ce sera le cas, mais ce mois-ci, la perte de chiffres d’affaires est assez conséquente pour me permettre d’en bénéficier. C’est aussi lors de la relance que nous aurons besoin de soutien.

Au tout début de la crise, j’avais fait un message pour informer les clients que l’activité perdurait. Cela avait déclenché quelques commandes, mais le mouvement s’est rapidement essoufflé. Ce n’est pas évident de faire ce genre de communication.

À côté de ça, je me sens très privilégiée en tant que paysanne, je suis amenée à beaucoup sortir. Je pense moins ressentir l’effet confinement que d’autres. Je suis dehors toute la journée et travaille avec des collègues alors je ne me sens pas isolée. Bien-sûr, les copains et la famille éloignée me manquent ! Mais c’est vraiment une chance de faire ce métier et je m’en rends d’autant plus compte avec ce contexte. »

Retrouvez Valérie sur Granvillage.

Gaël Teissier – éleveur de chèvres et producteur de fromage

gael

« Depuis le mois dernier, nous avons dû nous adapter. La première semaine a été très difficile avec l’annonce et la perte des marchés, dont celui de Bourg-en-Bresse qui représentait les deux tiers de mes revenus. Ce fut brutal, violent.

Certains petits marchés sont restés ouverts. Ils se sont bien développés et nous ont permis de faire face. Un collègue maraîcher m’a proposé de venir le dépanner le samedi matin pour l’accompagner sur les ventes à la ferme. Je prends également des commandes via ma page Facebook et assure des livraisons une à deux fois par semaine. Cela nous permet de maintenir l’activité. La situation pourrait être pire.

Le plus dur a été de se séparer de ses habitudes de travail. Il faut apprendre à appliquer de nouveaux mécanismes, se plonger dans l’administratif, s’organiser. Mais encore une fois, on s’adapte. Petit à petit, on commence à être rodés.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, avec le confinement les gens consomment différemment. Par exemple, je n’ai jamais autant vendu de yaourts et crèmes desserts. Depuis le début du confinement, chaque semaine nous fabriquons l’équivalent d’un mois de production en période normale. Les gens sont chez eux, avec leurs enfants et il faut nourrir tout le monde. Il n’y a plus de cantine, plus de restaurants et tous les repas se font à la maison. Beaucoup ont redécouvert certains produits en fréquentant à nouveau les petits marchés de producteurs. J’ai été assez surpris ! Et puis il a fallu prévoir. Nous faisons tout à la main, le rempotage, la pesée… Mais je ne vais pas me plaindre, j’ai la chance de travailler quand certains ne le peuvent plus.

Tant mieux, car je n’ai le droit à aucune aide. Ma perte de chiffre d’affaires n’est pas suffisante pour en bénéficier. Je suis surtout très inquiet pour la suite. Il n’y a jamais de sous dans les caisses de l’État et viendra bien un moment où il faudra renflouer.

Il y a un mois, j’étais beaucoup plus inquiet quant à la pérennité de l’exploitation. Aujourd’hui, l’activité étant maintenue autant que possible, je suis plus serein.

Je crois que beaucoup de gens ont pris conscience, notamment en fuyant les supermarchés pris d’assaut, qu’il y avait des producteurs près de chez eux. On travaille plus qu’en temps normal, nous avons de bons retours de la part de nos clients, même si l’aspect relationnel est difficile à cause des mesures de sécurité. D’autant que pour la grande majorité, ce sont de nouveaux clients qui n’avaient peut-être pas forcément l’habitude de fréquenter les marchés. Reste à savoir s’ils seront toujours là une fois le confinement terminé. Les gens se souviendront-ils de leurs producteurs qui leur proposent de bons produits locaux et frais ?

Une fois le confinement terminé, n’oubliez pas les petits producteurs, faites travailler les commerces de proximité. L’agriculture française est vitale, ne l’oublions jamais.

Agriculteurs, producteurs, ne bradons pas nos produits. Notre travail a de la valeur, nous ne devons pas y renoncer. Nous nous levons tous les jours pour nourrir nos bêtes, travailler nos terres et cela a un prix. La solidarité des jours difficiles n’empêche pas l’estime le reste du temps.

Le plus dur dans cette épreuve, c’est l’aspect social. On voit du monde, mais en même temps, on ne voit personne. Sur les marchés, par exemple, on se croise mais on ne reste pas. C’est dur de ne plus voir les membres de sa propre famille aussi. Ma maman habite dans le midi et je ne sais pas quand je la reverrai. Idem pour mes beaux-parents, qui eux, sont tout proches. C’est peut-être ça qui manque le plus.

Sinon le moral est bon et nous faisons tout pour le garder. Et nous sommes en bonne santé, c’est le principal. On ne se rend pas compte de ce que ça vaut la santé. »

Retrouvez Gaël sur Granvillage.

Jean-Pierre Rivière – artisan-vigneron  

jean pierre riviere

« Au niveau du travail, nous avons réduit le personnel occasionnel pour diminuer les frais et compenser la baisse des ventes, le report des salons et l’arrêt des activités d’œnotourisme.

Nous avons pris un nouveau rythme : nous partons à la vigne chacun dans nos véhicules. C’est un peu étrange, mais c’est nécessaire.

Comme je l’avais expliqué, nous avons mis en place un drive pour maintenir l’activité. Ma fille a commencé les livraisons sur le secteur Villefranche & Lyon. Certains n’osent pas venir au drive. Ils redoutent les amendes : 135€, c’est cher pour un carton ! Même si ça ne compense pas toutes les ventes, ça nous permet d’être présents.

Nous essayons de préserver un lien avec nos clients. Cette crise a d’ailleurs provoqué un regain d’intérêt pour la consommation locale. Nous travaillons avec un magasin de producteurs en Bretagne. Il vient de renouveler sa commande car de son côté, ça carbure.

Depuis près de 40 ans, l’industrie est délocalisée. On expliquait que la mondialisation était nécessaire et que c’était la panacée, que l’agriculture française ne jouait pas un si grand rôle. Finalement, on se rend compte que nous ne sommes même plus capables de produire des blouses et des masques alors que ça ne demande que de la main d’œuvre et quelques machines. On demande aux particuliers de coudre des masques. Peu à peu, on prend conscience que la mondialisation n’est pas forcément la solution et que l’économie locale est nécessaire. Je ne sais pas si ces comportements perdureront, mais je l’espère.

C’est important de protéger nos paysans et préserver nos savoir-faire. Je crois que les gens l’ont compris avec cette crise. Ils savent que les agriculteurs continuent à produire et se tournent vers l’économie locale. J’espère que nos politiques et nos élus l’ont compris.

Le Gouvernement va injecter des quantités phénoménales d’argent pour tenter de relancer l’économie. Le problème, c’est qu’à terme, il faudra bien rembourser. Et je ne sais pas comment tout ça va se finir. Qui le fera ? Je ne veux pas paraître pessimiste et je dois admettre que sur le court terme, les décisions prises ont pu limiter les dégâts.

Malgré les efforts, je ne suis pas certain que toutes les entreprises se relèveront. Certaines connaissaient déjà des difficultés avant la crise. Le confinement risque de leur être fatal. Je pense notamment aux secteurs de l’hôtellerie-restauration ou du loisir. Idéalement, il faudrait des remises, voire-même des suppressions de charges.

De notre côté nous allons faire la demande pour un prêt garanti par l’État. Nous n’avons pas besoin de trésorerie maintenant, mais ce sera certainement nécessaire plus tard. Nous préférons anticiper ces besoins.

Je reste malgré tout assez serein quant à l’avenir du domaine, même si on n’est jamais à l’abri.

L’après confinement reste assez flou. Aura-t-on le droit de recevoir des gens dans notre caveau ? Quelle sera la capacité maximale autorisée ? Pourra-t-on reprendre les activités d’œnotourisme ? Les gens oseront-ils venir ? Dans les pays qui commencent à déconfiner, cela se fait de manière progressive. Il n’y aura pas de retour à la normale brutal.

On sait que ça ne va pas être évident, mais il faut se l’avouer en tant que paysans, on est habitués. L’année dernière, à cause du gel et de la grêle, nous avions perdu 70% de notre récolte. Nous sommes finalement assez rodés aux coups durs. La dernière fois, je vous disais que les générations précédentes avaient elles aussi connu de dures épreuves. Ma grand-mère maternelle a subi la première guerre mondiale puis la grippe espagnole durant laquelle elle a perdu trois de ses enfants. Je crois que chaque époque a son lot de malheurs.

Il faut de la force et du courage pour se relever après chaque épreuve. Si on ne se relève pas, alors on disparait. Nous gardons et garderons le moral. »

Retrouvez Jean-Pierre sur Granvillage.

Tout au long de l’année, nos producteurs locaux élèvent, fabriquent ou font pousser pour nous proposer de bons produits sains et savoureux. Durant la crise comme au quotidien, ne les oublions pas.

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© Photos : Jérôme Poulalier (Valérie & Gaël).
© Photo Jean-Pierre Rivière aimablement transmise par Jean-Pierre Rivière.

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