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Le 08 mars 2020
Dans le quotidien des agricultrices En savoir plus
agricultrices

Le 08 mars, c’est la journée des droits de la femme. Pour l’occasion, nous avons souhaité vous partager les mots de celles qui nous nourrissent avec force et passion. Comment devient-on agricultrice ? Que représente l’agriculture d’aujourd’hui ? Et celle de demain ? L’agriculture est-elle féminine ? Quels conseils à celles qui veulent se lancer ? Nous avons offert une tribune libre aux agricultrices de toute la France. Voici leurs mots.

Agricultrices, la parole est à vous !

Claire

« Je m’appelle Claire, j’ai 25 ans et j’ai fait un bac STAV (Sciences et Technologies de l’Agronomie et du Vivant), puis un BTS. Je me suis récemment installée sur l’exploitation laitière familiale. J’aimerais lancer des visites à la ferme d’ici quelques mois. J’ai pris la relève car j’avais envie d’évoluer à proximité des animaux. Je voulais être autonome, être mon propre patron.
L’agriculture française doit respecter de nombreuses normes qui font sa qualité. Il faut en donner une belle image. C’est la raison pour laquelle, à travers les réseaux sociaux, j’ai voulu montrer ce qu’est vraiment l’agriculture. Cette agriculture évoluera avec le temps et en fonction des besoins des consommateurs. Mais l’avenir s’annonce compliqué avec la vague de départ en retraite des agriculteurs actuels.
En tant que femmes, nous avons tout à fait notre place dans le monde agricole. Aujourd’hui, presque un tiers des chefs d’exploitation sont des femmes. Nous sommes sur tous les fronts. Je pense que les femmes ont amené de nouveaux métiers dans l’agriculture, comme la transformation, les visites etc… »
Conseil : si c’est vraiment ce que vous souhaitez, foncez ! Il n’y a pas de raison que ce soit plus difficile pour une femme que pour un homme.

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Amélie

« Je m’appelle Amélie, j’ai 18 ans, bientôt 19. J’ai fait un bac pro CGEA (Conduite et Gestion de l’Exploitation Agricole). L’année prochaine, je compte faire un BTS Productions Animales en alternance chez mon père pour ensuite, reprendre le flambeau de l’exploitation familiale.
Depuis toute petite, j’évolue dans ce monde-là, alors l’agriculture c’était comme une évidence. Je ne me suis jamais demandé quel métier j’allais faire. J’ai tout de suite accroché avec l’élevage, surtout les bovins. Tous mes choix ont été faits dans le but de devenir agricultrice un jour.
Je sais que le quotidien d’un agriculteur n’est pas toujours facile, notamment sur l’aspect financier. L’élevage est une véritable passion, mais j’aimerais aussi vivre de ma passion.
Plus tard, je veux pouvoir partager ma passion et mon métier. J’ai pour projet de faire visiter mon exploitation pour faire découvrir mon quotidien, pour faire comprendre pourquoi j’aime tant ce métier.
Sur les réseaux sociaux, de plus en plus d’agricultrices, surtout des jeunes, ont pris la parole pour parler de leur métier. Aujourd’hui, nous ne sommes pas à plaindre. Mais je pense que par le passé, leur situation était beaucoup plus compliquée.
Conseil : Ne baissez pas les bras, n’abandonnez pas ! Même si les commentaires des autres vous blessent, continuez à avancer. J’ai moi-même subi les critiques de la part des autres, dont des filles, quant à mes choix de vie. Aujourd’hui, je suis entourée de personne qui me comprennent et partagent ma passion. « 

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Aurélie

« Je m’appelle Aurélie, j’ai 31 ans. J’ai grandi au sein d’une exploitation agricole. Mais je n’avais pas forcément envie de reprendre l’affaire familiale. C’est pourquoi j’ai fait des études. J’ai ainsi obtenu un master chimie avec spécialisation cosmétique. J’ai travaillé dans ce domaine durant près de 5 ans à l’étranger et en France. Comme j’évoluais dans le milieu cosmétique, nous avons décidé avec mon père de lancer une gamme de savons à base de lait de jument. Nous avons débuté avec une petite production qui faisait office de complément. Mais face à la demande, je me suis dit : « Pourquoi ne pas reprendre l’exploitation, proposer des savons et faire de la transformation alimentaire ? ». Nous cultivons du blé dur, alors pour le valoriser, nous le transformons en pâtes. Il nous aurait été difficile de vivre avec seulement des chevaux et quelques hectares de céréales. Alors, nous avons pensé à nous diversifier et proposer cette valeur ajoutée.
Ce qui m’attirait dans l’agriculture, c’était la proximité avec la nature et l’environnement. Je voulais être libre et pouvoir créer comme je l’entendais.
Le monde agricole est aujourd’hui très varié et montre la richesse des productions françaises. Je pense que l’agriculture de demain sera plus proche des consommateurs. C’est ce que j’essaie de faire moi-même avec ma ferme et mes produits. Nous devons nous défaire des intermédiaires pour nous rapprocher de ceux qui consomment nos produits, leur montrer la réalité de notre quotidien, pouvoir répondre à leurs questions et échanger directement avec eux. En France, le milieu rural occupe une place très importante, il faut le préserver.
La place des femmes dans le milieu agricole a évolué. Plus que ça, elle s’est officialisée. Les femmes ont toujours été présentes dans l’agriculture, mais elles officiaient dans l’ombre. Elles n’étaient pas reconnues. Aujourd’hui, une femme peut être chef d’exploitation, assurer le développement commercial ou porter des projets. Les femmes ont toute leur place dans le monde agricole aujourd’hui.
Pour ma part, j’entretiens de très bons contacts avec les acteurs du monde agricole, hommes ou femmes. Je reçois beaucoup de positif autour de moi. « 
Conseil : entrez en contact avec d’autres femmes installées depuis plus longtemps, qui ont une petite expérience dans l’entrepreneuriat agricole. Le réseau est important.

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Claire

« Je m’appelle Claire, j’ai 23 ans et je suis technicienne-inséminatrice dans les Hauts-de-France. Je suis également aide familiale dans notre ferme. Ma mère et mon père sont agriculteurs. Ils ont une exploitation en polyculture-élevage avec des vaches laitières.
J’ai toujours été attirée par le monde agricole. Depuis petite, je marche dans les pas de mon père. Il m’a transmis sa passion et je ne me voyais pas faire autre chose que d’évoluer dans le milieu agricole.
L’agriculture subit un agribashing sévère en ce moment. Pourtant, elle occupe une place importante en France et dans le monde. Au quotidien, c’est difficile d’entendre des choses erronées sur notre profession. On nous accuse d’abuser des produits phytosanitaires alors que, quand nous en utilisons, c’est toujours avec modération. Il en va de même pour nos bêtes. On entend constamment parler de maltraitance animale alors que nous prenons soin de nos animaux. Je nourris mes bêtes comme si c’était mes enfants. Notre métier c’est toute notre vie. Ça fait mal de voir que les gens pensent autant de mal de nous. J’espère que tout ça s’améliorera avec le temps. On aura toujours besoin des agriculteurs. J’espère que nous pourrons montrer aux gens la réalité de nos métiers.
Pour moi, c’est une fierté d’évoluer dans le monde agricole. Avant, le métier n’était pas si accessible aux femmes. Là, il y a toute une génération de femmes qui ont prouvé qu’elles avaient toute leur place dans ce milieu. »
Conseil : Foncez ! C’est l’un des plus beaux métiers.

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Sophie

« Je m’appelle Sophie, je suis installée en tant qu’agricultrice avec mon mari, depuis 2012. Nous sommes céréaliers-betteraviers et avons une quinzaine de productions différentes sur l’exploitation. Récemment, nous avons développé une activité de production de pâtes avec un autre couple d’agriculteurs. Avant ça, j’ai exercé en tant que salariée agricole dans de nombreuses entreprises après avoir suivi une formation d’ingénieur agricole. J’ai travaillé sur des problématiques de communication, de marketing, mais aussi de qualité dans une coopérative agricole.
Un jour, s’est posée la question de la reprise de l’exploitation familiale des parents. Soit nous continuions dans nos métiers respectifs dans le monde para-agricole, soit nous reprenions l’affaire. Les entreprises dans lesquelles nous évoluions étaient soumises à de nombreuses fusions. Lassés d’être sur la sellette à chaque mouvement, nous avons opté pour la seconde option. Nous avons donc repris l’exploitation à plein temps.
Le monde agricole d’aujourd’hui connait une phase assez pessimiste. Nous sommes sur un marché mondialisé, mais n’avons pas les mêmes armes que nos adversaires. Nous sommes soumis à des cours mondiaux qui fragilisent la santé financière des exploitations. Mais il y a une vague d’espoir, il y a encore des gens qui essaient de nouvelles choses. C’est notamment le cas avec la diversification. On sent qu’il y a une mutation, mais il nous est difficile d’avoir une vision à long terme, de se projeter sur plusieurs années. Nous avons l’impression d’avancer dans le brouillard.
Le statut de chef d’entreprise est l’un des rares où les femmes sont véritablement les égales des hommes, bien plus qu’en tant que salariées. Lors de mes expériences précédentes, en tant que salariée dans le monde agricole, à différents postes, je sentais qu’il y avait des différences de traitements. Tant au niveau des missions que des salaires. Lorsque l’on devient chef d’entreprise, hommes ou femmes, on est sur un pied d’égalité. »
Conseil : il faut que votre décision résulte d’un choix. Elle ne doit pas être imposée parce qu’il faut reprendre l’affaire familiale. Quel que soit le secteur d’activité, il faut faire ce que l’on a réellement envie de faire. Lancez-vous, mais soyez consciente que l’avenir est malgré tout incertain.

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Perrine

« Je m’appelle Perrine et j’ai 18 ans. J’ai débuté dans le monde agricole il y a 5 ans, en tant que stagiaire en mécanique agricole puis, apprentie agricole en BAC pro Conduite et Gestion d’Exploitation Agricole à dominance élevage. J’ai alors rejoint une exploitation avec des vaches laitières, des poules pondeuses, des taurillons et quelques cultures.
Je suis actuellement en BTS Productions Animales en alternance et je travaille dans une exploitation avec des vaches laitières et des cultures bio.
C’est ma passion pour les animaux qui m’a poussée à devenir agricultrice. Et une passion, ça ne s’explique pas !
Pour moi, l’agriculture aujourd’hui n’ai pas assez valorisée ! On oublie souvent que derrière la bouteille de lait vendue dans les supermarchés, il y a tout le travail réalisé en amont.
J’espère que dans le futur, nos métiers seront valorisés. J’espère que la place des femmes dans l’agriculture sera valorisée.
Les femmes sont de plus en plus nombreuses dans le métier, mais elles ne sont pas assez prises au sérieux !
Nous sommes souvent méprisées et dénigrées par des hommes qui se sentent supérieurs aux femmes.
Il faut que toutes les agricultrices assument leur place et soient fières de leur métier. Il ne faut pas se laisser écraser par des machos. »
Conseil : Foncez et ne regrettez jamais !

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Lucie

« Je m’appelle Lucie et j’ai 32 ans. Après un BEPA Services aux personnes en Maison Familiale Rurale (MFR*), je me suis dirigée vers un Bac Littéraire, puis une licence de philosophie. Après avoir obtenu deux masters en enseignement et formation, j’ai pris un poste de formatrice en Maison Familiale Rurale, où j’occupais aussi une responsabilité au sein du pôle pédagogique.
Mon mari est agriculteur depuis quelques années : il a donc contribué à nourrir ma vision du monde agricole. Lorsque je suis devenue maman, ma réflexion m’a orientée vers le milieu avicole et l’envie de m’installer. En effet, mes priorités avaient changé : je tenais à passer du temps avec mon enfant, ce que mon poste de formatrice ne me permettait pas. Et puis j’avais à cœur de travailler « pour moi » et avec mon conjoint. Nous voulions construire un projet commun, apporter de la valeur au site de l’exploitation existante, mettre en place une production valorisante. Et puis j’ai eu l’accompagnement nécessaire par ma coopérative pour rendre ce projet viable et réalisable. Nous avons donc aujourd’hui un atelier avicole de 15 000 poules pondeuses plein air, en plus d’une centaine d’hectares de grandes cultures.
Il me semble que l’agriculture n’a jamais autant occupé les esprits qu’aujourd’hui. Sa diversité́ et sa richesse se trouvent fortement remises en question. Nous sommes dans une recherche de modèle unique qui se voudrait plus respectueux de l’environnement et des hommes que les autres. Mais l’agriculture française est plurielle, complexe, ouverte, soucieuse de répondre à des règlementations et aux demandes des consommateurs, et ce, avec ses divers modèles de production. Je pense que nous devons veiller, producteurs, consommateurs, institutions, à ce que l’agriculture reste plurielle.
Pour demain, je souhaiterais d’abord une agriculture apaisée, à la fois dans le cœur des hommes et dans les médias. Je souhaiterais ensuite que ma fille grandisse dans un monde où elle n’ait pas à entendre que son père empoisonne les gens et que sa mère participe à de la maltraitance animale. En somme, il me semble qu’il est urgent de communiquer sur ce que nous faisons pour contrer les croyances des consommateurs. Communiquer, montrer, partager, c’est apporter un champ de rationalité dans ce qui ressemble parfois à une méconnaissance totale de ce que font au quotidien les agriculteurs. Chaque jour, nous nous levons, nous produisons en respectant des cahiers des charges stricts, nous veillons au bien-être de nos animaux, nous nourrissons les Français. La question que j’apprécie de retourner à ceux qui critiquent l’agriculture est la suivante : et vous, que faites-vous chaque jour pour la population ? Comment le vivriez-vous d’être remis sans cesse en cause dans ce que vous faites au quotidien pour la population alors que vous faites correctement/respectueusement votre travail ?
J’ai conscience d’être une femme dans le monde agricole, mais concrètement, je n’y vois pas d’implication. Tout a été facile pour moi : aussi bien mon installation que la mise en place du projet. J’ai pris les responsabilités qui m’incombaient et les assume. Je suis arrivée mature, sereine, déterminée : tout s’est donc passé naturellement. Et ma communication m’aide à me faire une place, sans doute plus rapidement que si je restais dans mon coin. Enfin, je pense aussi qu’avoir un mari déjà connu par le milieu agricole aide à prendre des décisions, à avancer. « 
Conseil : La première étape serait de commencer par s’entourer des personnes ressources. Seule, tout est plus difficile, bien que jamais impossible. Ensuite, il convient d’avoir plusieurs options de départ pour effectuer un choix éclairé́ sur la situation. Le risque serait sinon d’aller trop vite vers l’unique projet qui se présente sans en comprendre réellement les tenants et aboutissants. Par la suite, il parait intéressant d’accepter les aléas et modifications en cours de projet. Rien ne se passe vraiment comme on l’a prévu au départ : se préparer à cela aide à réorienter sa réflexion toujours dans un but de réussite. Enfin, la dernière clé́ que je peux donner, c’est d’essayer, autant que possible, de s’aménager du temps pour prendre du recul. Cela peut passer par le sport, la communication, etc.. partir pour mieux revenir.
*Les MFR sont des établissements privés de l’enseignement agricole, dont le statut est associatif. Autrement dit, au-delà du poste de formateur et éducateur, une partie de bénévolat constitue un autre pan de l’activité.

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Clémentine

« Je m’appelle Clémentine, j’ai 27 ans et j’habite dans le Calvados, en Basse-Normandie. Je suis agricultrice céréalière sur une ferme dans le bocage. J’ai fait un bac STAV (Sciences Technologiques de l’Agronomie et du Vivant) puis un BTSA Agronomie et Productions Végétales par apprentissage en Eure-et-Loir. Je suis ensuite restée en Eure-et-Loir, où j’ai fait divers remplacements dans des exploitations, des saisons dans des entreprises agricoles, et pour finir j’ai obtenu un CDI dans une boite de semences où j’étais employée de sélection dans le maïs. Je suis revenue sur la ferme familiale en avril 2018, avec comme projet de faire de la farine et de la vente directe. Nos projets avec mon père ont évolué en juin 2019. Nous avons décidé de nous associer avec un collègue, et de monter un bâtiment pour y faire plusieurs sortes de farines, en transformer une partie en pain, et faire également de l’huile et des graines. Nous aurons une camionnette pour faire des marchés, livrer à des endroits stratégiques et nous livrerons également des épiceries locales, des restaurants et des cantines. Nous travaillons sur ce projet depuis plusieurs mois, nous allons commencer à vendre de la farine et de l’huile d’ici un ou deux mois, mais nous ne commencerons le pain qu’en fin d’année. Fin janvier, nous avons créé une EARL, intitulée La Ferme de la Moissonnière (nous avons une page Facebook et un compte Instagram sous ce nom).
Je suis passionnée par l’agriculture depuis toute petite. Lors des moissons, je suivais mon père, je montais dans les tracteurs et la moissonneuse batteuse avec ses collègues, j’apprenais à conduire progressivement un tracteur. Un été, j’ai dû remplacer un des collègues, et c’est devenu pour moi une évidence : c’est ce métier que je voulais faire. J’ai toujours adoré le contact avec la nature, travailler dehors et il n’y a aucun endroit où je me sens plus vivante que dans mon tracteur. Au fil de mes expériences professionnelles, s’est confirmé le fait que je voulais être à mon compte, travailler pour moi.
L’agriculture se développe de plus en plus, elle évolue. Cependant, je trouve que le gouvernement ne soutient pas assez, voire pas du tout, les agriculteurs. Nous ne sommes pas assez payés, nous travaillons à perte, et nous avons plusieurs années en déficit. Les gens critiquent les agriculteurs mais ils oublient que, sans nous, ils n’auraient rien dans leur assiette. J’attends une agriculture plus tournée vers la qualité, le local, avec moins d’importations car il y a beaucoup de cultures que nous sommes capables de produire en France. J’aimerais une agriculture qui soit plus soutenue par les médias et le gouvernement, pour mieux communiquer auprès de la population.
Je pense qu’une femme a tout autant sa place dans l’agriculture qu’un homme. Il est fini le temps ou les épouses s’occupaient des papiers pendant que les maris étaient aux champs. Aujourd’hui, les femmes aussi conduisent des tracteurs, soignent les animaux et suivent les cultures. Ce n’est plus un métier d’homme. Malheureusement, les mentalités ont du mal à évoluer, j’ai pu le constater durant mes études et mon parcours professionnel. Une femme doit faire sa place, mais je pense que c’est aussi ce qui rend la victoire encore plus belle ! Je me sens tout à fait légitime dans mon métier, et je compte bien prouver à ceux qui pensent le contraire que je suis tout autant capable qu’un homme. »
Conseil : Ne lâchez rien et croyez en vos rêves. Il y aura des moments difficiles, des obstacles, des personnes qui vous rabaisseront, car oui, les machos ça existe. Même si ça, je ne l’ai pas vu pendant mes études mais plutôt en arrivant sur la ferme. Heureusement, il y a aussi beaucoup de personnes bienveillantes. Il est important de se forger un caractère. Être gentille, oui, mais il ne faut pas se laisser faire, et montrer sa détermination. Dans tous les cas, si la passion et le mental sont bien là, le reste suivra ! Travaillez et vivez pour vous, pas pour les autres, et ce que pense le voisin n’est pas notre problème.

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Chloé

« Je suis Hubert Chloé, je suis éleveuse de brebis Limousine et Hampshire pour la production d’agneaux d’herbe depuis 5 ans. Nous sommes installés avec mon compagnon dans les Monts de Blond (Haute-Vienne). Notre ferme compte 4 ateliers en bio: maraîchage, pommes, moutons et poule pondeuses.
J’ai fait des études dans l’environnement et je me suis réorienté dans l’agricole juste après mon BTS. J’ai fait une formation pour être agent de remplacement dans la Manche, en élevage bovin-lait. C’est là que j’ai commencé́ mon parcours avec les animaux, que je me suis formée à l’élevage, que j’ai musclé mon corps et fait face à un certain machisme… Ce fut une période très dure. J’ai quitté cet emploi pour aller travailler dans le Haut-Jura sur une ferme avec 15 Villards de Lans et transformation fromagère (en bio aussi). J’y suis resté 5 ans, puis mon compagnon et moi sommes partis pour nous installer sur notre propre ferme. Le projet de départ était maraîchage et des chèvres Angora pour le mohair. La ferme que nous avons trouvée et sur laquelle nous travaillons aujourd’hui avait un verger de 1 hectare de pommes, un troupeau de mouton et des volailles de chair. Nous avons repris les moutons et les pommes et avons créé nos ateliers. Depuis, nous avons arrêté les chèvres Angora, avons augmenté́ les moutons et commencé les poules pondeuses. Nous transformons petit à petit le verger de basse tige en implantant des pommiers de plein vent.
Je me suis lancée dans l’agriculture car je voulais travailler dehors. Je n’ai jamais vraiment voulu faire un métier en particulier mais je voulais que ma vie soit au contact de la nature : élever des animaux, cultiver des légumes et des fruits, filer la laine, faire mon bois pour me chauffer… je voulais répondre à mes besoins fondamentaux ( me nourrir, me loger, m’habiller ) avec mes mains et l’énergie de mon corps. Voilà l’idée qui m’a amenée là. Et un livre, « Revivre à la campagne de John Seymour ».
L’agriculture est l’un des métiers les plus beaux et indispensables que je connaisse (tout comme le métier de professeur.). Mais je n’aime pas le modèle agricole qui domine aujourd’hui dans nos pays. L’agriculture doit nourrir la population et non pas l’empoisonner. Nous devons rééduquer les gens aux choses fondamentales de la vie, aux cycles dont nous sommes dépendants et aux lois naturelles que nous oublions.
Je pense que c’est un atout d’imposer une vision féministe dans un modèle archaïque patriarcal ! De nos jours, le matériel nous aide de plus en plus au niveau physique. Mais aujourd’hui encore, il faut je m’impose car au premier abord les gens ne pensent pas que j’occupe la place de chef d’exploitation. »
Conseil : Lancez-vous et faites selon votre projet. Les seules limites qui existent sont celles que l’on s’impose. Ne pas se laisser décourager par le pessimisme et l’étroitesse d’esprit des donneurs de leçons. L’expérience des autres ne sert à rien il faut faire ses propres erreurs et dépasser ses échecs.

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Alice

« Je m’appelle Alice, j’ai 30 ans et je viens de donner naissance à une merveilleuse petite fille. Concernant mon parcours, j’ai toujours été attirée par le monde qui m’entoure, que ça soit les humains ou la Terre. En ce sens, je me suis lancée dans une licence durant laquelle j’ai étudié l’aménagement du territoire, la géographie & les sciences humaines, la climatologie, les sciences de la terre & de l’environnement. J’ai ensuite suivi un master en gestion de l’environnement et développement durable en 2013. Mon souhait à ce moment-là, était de travailler dans les politiques environnementales.
En 2015, je me suis finalement réorientée avec un BPREA en maraîchage bio (Brevet de Responsable d’Exploitation Agricole). Durant cette année, j’ai découvert la culture des plantes médicinales et l’apiculture et je suis devenue une grande passionnée. Aujourd’hui je suis cueilleuse et productrice de plantes médicinales et aromatiques, de petits fruits et je suis folle amoureuse des abeilles. Pour approfondir mes connaissances concernant les plantes médicinales et la phytothérapie je suis en formation d’herbaliste/herboriste à l’École Lyonnaise des Plantes Médicinales et des savoirs naturels pour une durée de trois ans.
En 2014, suite à mon master en gestion de l’environnement et développement durable j’ai fait une année d’alternance au sein du service de gestion de la pollution de l’air, du bruit et du carbone d’une grande collectivité de mon département des Alpes-Maritimes. J’ai à ce moment-là compris que je serais toujours « l’agneau déguisé en loup » si je suivais cette voie. J’ai donc décidé de suivre ma passion et de m’installer en agriculture. Pour cela j’ai fait plusieurs stages en maraîchage bio, en transformation de plantes médicinales, distillation, cosmétiques naturelles et apiculture dans le cadre d’un BPREA (Brevet de Responsable d’Exploitation Agricole). À partir de 2015, j’ai commencé mon projet d’installation sur des terrains familiaux en haute-montagne. J’ai commencé mes cueillettes, la restauration de mes granges, les marchés…
On vit aujourd’hui à une époque où les problématiques sont nombreuses : perte de la biodiversité, problèmes de ressources en eau, lutte contre le changement climatique, bien-être des animaux d’élevage, problèmes de pollution, de santé publique… J’ai l’impression qu’une partie de notre génération tend à des besoins croissants d’accès à une alimentation saine et à des choix de vie plus proches de la nature. Mais une autre partie, tout en étant consciente des problématiques environnementales, continue à vivre pleinement dans le monde de la consommation. Alors j’espère que les mentalités de chacun vont se reconnecter à l’humain, à la terre et donc se tourner vers une agriculture plus « raisonnée ». J’entends par cela que les gens consomment plus localement, se reconnectent avec les paysans de leur territoire, consomment des produits plus sains, moins traités (et si possible issus de l’agriculture biologique). J’espère aussi que les politiques au niveau mondial, au niveau des pays et au niveau des territoires prennent conscience de l’importance de redévelopper l’agriculture sur leurs terres, l’importance d’aider la biodiversité à se maintenir et à se développer pour plus d’autonomie, pour que ce soit plus sain.
Je crois qu’aujourd’hui environ 25 % des exploitations agricoles françaises sont gérées par des femmes contre 8 % en 1970. Il y a donc une belle évolution. Mais bien qu’elle ait évolué, la place des femmes dans l’agriculture n’est pas toujours facile. Tout d’abord nous n’avons pas la même force physique qu’un homme, et puis il y a la maternité aussi. Alors on réfléchit peut-être un peu plus à nos positions (physiquement) et on adapte notre travail avec nos qualités, plus fines, plus patientes, plus attentionnées aussi peut être.
Au niveau du regard des gens aussi c’est parfois difficile. Sur ma commune par exemple on a mis du temps à croire en mon projet. C’est en me voyant débroussailler, cueillir, récolter, faire les marchés, reconstruire des murs et réhabiliter les terres que les locaux ont commencé à croire en moi. Au début c’était pour moi une simple passion de jardiner, de sentir et de goûter les plantes. Aujourd’hui c’est ma vie, je ne me vois pas retourner dans un bureau tous les jours du reste de ma vie. Et je remercie tous les gens qui me soutiennent car sans eux, je n’aurais certainement pas développé mon projet agricole. Merci de nous soutenir nous, agricultrices, paysannes, apicultrices et cueilleuses ! »
Conseil : allez au bout de ce rêve, de ce projet qui vous fait vibrer, qui vous donne des papillons dans le ventre et qui vous redonne de l’espoir si c’est le cas ! Peu importe les avis défavorables de vos proches, de votre commune, de la chambre d’agriculture. Si l’agriculture vous rend heureuse, alors n’ayez pas peur. Ça ne sera pas facile ni physiquement, ni mentalement. Je ne vous cache pas qu’on se sent souvent seule, mais c’est tellement gratifiant de pouvoir offrir aux gens des produits de qualités, de leur transmettre notre amour pour les plantes ! En tant que femme, agricultrice, artisane, herbaliste et maman je mène tous les jours un combat de sensibilisation pour que notre place de femmes soit appréciée à sa juste valeur et que notre place d’herboriste productrices et artisanes soit reconnue comme il se doit.

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