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Morgan & Anthony parlent bien, parlent vin

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Le 06 août 2020
Morgan Gaby et Anthony Bouitka nous expliquent comment lire entre les vignes. En savoir plus
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Morgan Gaby et Anthony Bouitka sont respectivement responsable et chef sommelier du restaurant la Cave Café Terroir, à Lyon. Pour l’un comme pour l’autre, la rencontre avec la vigne a été fortuite mais le coup de foudre fut immédiat. Pour Granvillage, ils nous expliquent comment lire entre les vignes.


Vin, la soif d’apprendre ?

Bonjour Anthony, bonjour Morgan ! Nous sommes là pour parler vigne et vin. Mais avant toute chose, pouvez-vous nous expliquer la différence entre la sommellerie et l’œnologie ?

Morgan : La sommellerie, c’est comme une aide à la clientèle sur le terrain, dans les restaurants, gastronomiques ou plus traditionnels. L’œnologie se rapproche davantage de la chimie. C’est un travail qui commence dans les chais, c’est sur lui que repose la fabrication du vin. Les deux savoir-faire sont différents, mais très complémentaires. Pour l’un comme pour l’autre, il faut goûter, sentir, découvrir.

Anthony : L’œnologue est un scientifique du vin. C’est une personne qui va faire le vin, qui va faire en sorte qu’il soit bon et qu’il ait le moins de défaut possible. Un sommelier a des notions d’œnologie, mais n’aura pas les compétences de l’œnologue. Un sommelier, c’est un serveur spécialisé dans le vin.



Aujourd’hui, vous êtes des professionnels du vin. Comment en êtes-vous arrivés là ?

M : J’ai fait des études pour être directeur de restaurant durant lesquelles j’avais des cours de sommellerie. J’aimais beaucoup cette discipline et je savais que ça me serait utile pour la suite. J’ai voulu faire une mention complémentaire pour approfondir mes compétences. Puis comme Obélix, je suis tombé dedans. Je n’ai pas souhaité en sortir et j’ai rapidement trouvé un poste chez Guy Savoy. Ce fut très formateur, j’ai eu la merveilleuse opportunité de goûter de très bonnes choses et de servir une clientèle exceptionnelle.

A : Pour moi, c’est venu vraiment par hasard. Initialement, je faisais de la maçonnerie. Je ne m’y plaisais pas et je ne savais pas trop quoi faire. Je me suis alors tourné vers un CAP en salle. J’ai beaucoup aimé et j’ai eu le sentiment d’avoir trouvé ma voie. Lors de ce CAP, le chef, avant de me donner une assiette à envoyer en salle me disait toujours « gone, tu mettrais quoi comme vin avec ça ? ». Au début, je lui faisais gentiment comprendre que ça ne m’intéressait pas. Après quelques mois, à force d’entendre ça plus de vingt fois par jour, j’ai commencé à m’y intéresser. Et la suite…  je n’ai plus jamais décroché.



En tant que professionnels, comment faites-vous pour choisir des vins ?

M : Au fil de notre carrière, nous avons eu l’occasion de connaître du monde, des vignerons, des cavistes, de goûter à beaucoup de vins. Peu à peu nous avons appris à reconnaître ce que nous voulions. En tant que professionnels, nous avons déjà une vision claire des vins que nous aimons. Nous sommes toujours à l’affût et nous aimons partager. Nous nous faisons découvrir de nouvelles choses les uns aux autres. Tout repose sur le plaisir d’échanger et de partager.

A : Comme le dit Morgan, la sommellerie, c’est du partage. Même si on boit un vin seul, dans tous les cas on le partage. S’il est bon, nous en parlerons. S’il n’est pas à notre goût, nous échangerons à ce propos. La découverte de nouveaux vins se fait au fil des rencontres, au fil des expériences. Pour ma part, je n’achète jamais du vin en grande distribution. On ne sait jamais comment c’est stocké, comment c’est distribué. Les vins peuvent être stockés dehors, en plein soleil durant des semaines. Ils vont subir des chocs de température, ce qui va altérer leur goût. Ils vieilliront moins bien et seront moins bons. Le mieux, pour trouver de bons vins, reste encore de s’adresser à des cavistes indépendants. Les vins seront stockés à la bonne température et on bénéficie en prime des conseils d’un passionné.

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Et en tant que particulier, comment faire de belles découvertes ?

A : Pour découvrir de nouveaux vins, vous pouvez aller dans des salons de dégustation par exemple. Il en existe beaucoup dans le monde et même en France. Ils réunissent de nombreux vignerons, venus d’un peu partout. Vous pouvez aussi vous fier aux revues spécialisées, aux sélections coups de cœur ou aux guides de vins. Vous pouvez vous rendre directement dans un vignoble et échanger directement avec un vigneron.

M : Beaucoup pensent qu’en se rendant dans la grande distribution, ils auront des meilleurs rapports qualité/prix. Ce n’est pas forcément vrai. Chez les cavistes, on peut trouver des vins très bons et pas très chers et bénéficier en plus de conseils avisés.


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Quels sont vos conseils pour choisir un bon vin ?

A : Le moyen le plus sûr de choisir un bon vin reste encore de le goûter ! Si on n’en a pas la possibilité, je pense qu’on peut se fier à l’étiquette. Toutes les informations dont vous avez besoin y figurent. Vous pouvez alors sélectionner votre vin selon la région, selon le cépage.

M : En tant qu’amateur, on peut s’aider d’une application comme Vivino qui recense de nombreuses références. Mais le plus important selon moi est de faire preuve d’une ouverture d’esprit : allez chercher sur internet, renseignez-vous sur les cépages, sur les régions, sur les labels, les terroirs, la vigne. Il y a tellement de coups de pouce maintenant, que même sans goûter on peut se rapprocher de quelque chose qu’on aimera. Le meilleur conseil reste sans doute la curiosité !



Quand on parle vin, on parle souvent terroir. Quel est le rôle de ce dernier ?

M : Le vin, ça commence par le sol, puis il y a le raisin et ensuite le travail. C’est très important de respecter son terroir, de respecter la nature. C’est ça qui fera un bon vin. Il y a tellement de choses qui se retrouvent dans un terroir !

A : Lorsque j’ai fait mes études, mon prof de sommellerie avait l’habitude de nous poser cette question : « Qu’est-ce que le terroir ? ». Il nous expliquait : « Terroir, c’est l’association de deux mots : Terre et Histoire. Le terroir, c’est l’histoire de la terre. ». Je pense que le terroir, c’est le sol et que le sol fait le vin. Un chardonnay planté sur du calcaire sera différent d’un chardonnay planté sur de l’argile, du schiste ou du granite. Le sol nous donne déjà quelques notions sur le type de vin qu’on aura. Des vignes plantées sur un sol lourd, riche, comme l’argile donneront des vins puissants. Les sols plus caillouteux comme le calcaire donneront des vins plus frais, plus tendres. C’est dans le sol que la vigne va chercher ce dont elle a besoin pour se nourrir, pour grandir. C’est important d’en prendre soin. Si vous les noyez avec des produits chimiques, la vigne va l’absorber et le transmettra à ses raisins. Pour faire un bon vin, il faut un bon terroir.

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Photo Jérome Poulalier


Longtemps, on a chanté les louanges du vin français à l’international. Quelle place occupe-t-il aujourd’hui ?

M : Je suis très chauvin alors je dirais que le vin français sera forcément meilleur ! Je plaisante. Il existe de très bons vins étrangers, mais il est vrai qu’en France, nous avons de très bons terroirs. Nous entretenons un rapport particulier, unique avec la gastronomie. En France, c’est culturel de bien aimer boire et manger. Aujourd’hui encore, nos vins rayonnent aux quatre coins du monde.

A : Je pense que la France aura toujours une place importante dans le monde du vin. Comme Morgan l’a dit, on a ce goût des bonnes choses. On sait apprécier le savoir-vivre à la française. En France, la tradition autour du vin est très ancrée. Lorsque vous regardez le classement des bouteilles les plus chères sur le marché, les plus souvent, ce sont des vins français. Mais il faut aussi nuancer. Il y a de très bons vins ailleurs, en Italie ou en Espagne par exemple. Partout dans le monde, on peut trouver des bons vins. Mais je suis un peu chauvin aussi et je pense que les grands vins sont nés en France. La France a une belle tradition de la viticulture.



Justement, qu’est-ce qui différencie les vins français des vins étrangers ?

A : En France, la vigne a été implantée par des moines cisterciens qui avaient une connaissance très approfondie du terroir. Le plus bel exemple de leur savoir-faire reste Gevrey-Chambertin ou deux grands crus sont séparés par un petit chemin. Lorsqu’il neige, le chemin n’est pas enneigé. Quand les moines ont planté la vigne, ils avaient compris que c’était deux sols différents et qu’une source passait au milieu, ce qui empêchait la neige de durer. Au fil des années, les moines ont réussi à identifier et différencier les climats pour savoir où planter la vigne. En parlant de climat, en France nous avons la chance d’en avoir tout un éventail : en Champagne, il fera plus frais, dans le Languedoc, ce sera plus doux, dans le Val-de-Loire, on aura un climat semi-continental… et ça, c’est une chance inouïe. Ce qui va également nous différencier des vins étrangers, c’est le panel de cépages que nous avons.



Les techniques de vinification diffèrent-elles d’un pays à l’autre ?

A : Les techniques seront les mêmes partout. Ce qui va faire la différence, ce sera le savoir-faire du vigneron. Je dis souvent à mes clients qu’il n’y a pas de mauvais vins ou d’excellents vins. Il y a des mauvais vignerons et des excellents vignerons. Ce sont les choix du vigneron qui feront le vin : faut-il égrapper, combien de temps élever, faut-il faire une fermentation au bois…

M : En France, on a toujours eu cette culture de l’œnologie et de la sommellerie et le monde entier nous envie nos maîtres de chai. La culture du pays est très importante et elle jouera un rôle dans le goût du vin.

A : Exactement. Les vins sont très liés à la culture gastronomique du lieu. Si on prend une rigotte de Condrieu, le vin qui s’accordera le mieux sera un Condrieu. Si on déguste un Pouligny-saint-pierre, le meilleur vin sera un Sancerre. Les vins ont été faits en fonction de ce qui était produit et consommé localement.



Beaucoup pensent que les grands domaines font les grands vins. Vous êtes d’accord ?

A : C’est faux ! Il existe des vignerons qui ont deux ou trois hectares, mais qui font partie des grands vignerons français. Et au contraire, il y a de grands domaines qui font des vins peu qualitatifs. Lorsque j’ai rencontré Richard Rottier, un vigneron, il n’avait que quatre hectares et pourtant, il faisait des cuvées magistrales. Je serais tenté de dire que plus le domaine est petit, plus on a de chances de tomber sur un bon vin. Les grands domaines sont bien trop souvent tournés vers le débit. Alors que du côté des petits, on prend le temps de s’attacher à la qualité.

M : Je suis entièrement d’accord. Je préfère que l’on soit sur deux hectares et que l’on ait un travail beaucoup plus respectueux, pour la vigne, pour les sols. Parmi mes plus belles découvertes, il y a beaucoup de petits domaines, de domaines qui se lancent, qui se réinventent. J’ai fait des dégustations dans des grands domaines durant lesquelles je me suis profondément ennuyé et au contraire, je me suis éclaté dans de petits vignobles !



On a tendance à considérer le vin comme un produit luxueux, voire élitiste. Que faut-il faire pour décomplexer son approche ?

M : C’est vrai que le vin a cette réputation. Mais pourtant, tout le monde peut s’y intéresser. Malgré les apparences, les connaissances en vin peuvent être très accessibles. Il y a des vignerons dans toutes les régions, allez à leur rencontre, baladez-vous, prenez le temps de vous y rendre sur un coup de tête, un week-end. Bref, construisez votre passion.

A : Le vin est accessible à tout le monde. Pas besoin d’avoir un don, il suffit juste d’un peu d’entraînement. Si Cristiano Ronaldo en est là aujourd’hui, c’est parce que c’est un acharné de travail. Il en va de même pour nous, sommeliers. Nous avons appris durant des heures, goûté verre après verre. Nos connaissances sont le résultat d’un travail de longue haleine.



Et vous, avez-vous un vin préféré ?

M : Je vais rester très chauvin. Je suis originaire de la Loire et pour moi, l’un des plus grands cépages blancs est le Chenin. Ce sont des vins blancs très tendus, très frais, avec un terroir de pierres blanches et calcaires tuffeaux qui apporte beaucoup de tension et j’adore ça. J’aime beaucoup l’appellation Vouvray et mes plus belles dégustations là-bas se sont passées au Domaine du Clos Naudin de Philippe Foreau où j’ai pu goûter de vieux millésimes. J’ai eu de belles émotions avec des 76, avec des vins d’après-guerre, c’était beau.

A : Je n’ai pas de vin préféré, mais il y a des régions viticoles que j’apprécie plus que d’autres. Comme Morgan, je suis un peu chauvin. Je suis originaire de Lyon et je suis un grand défenseur du Gamay. Ce que j’aime chez eux, c’est que ce sont des vins de copains. Ils sont faciles d’accès, ils sont bons et peuvent se boire été comme hiver. J’ai une affection particulière pour les vins de la Vallée du Rhône car j’ai passé mon enfance à crapahuter au milieu des vignes.



Et du côté des accords mets et vins, qu’est-ce que vous aimez ?

M : Ouvrir une bouteille et la boire avec des amis. C’est le meilleur accord pour passer un bon moment.

A : Une bouteille que j’aime, un plat que j’aime et des personnes que j’aime. Rien de plus.



Vous ne comptez plus les bons vins que vous avez goûtés, mais y a-t-il des bouteilles que vous rêvez de déguster ?

M : J’ai eu l’occasion de goûter de très bons vins français au fil de mes expériences. Je goûte trop peu de vins du monde. J’aimerais avoir l’occasion de déguster de très grands vins étrangers.

A : J’ai eu l’opportunité de travailler dans de grandes maisons et j’ai eu la chance de goûter des bons vins. Mais s’il y a une bouteille qui pourrait me faire de l’œil, ce serait un Cheval Blanc 1947, par curiosité historique. C’est un millésime phare dans l’histoire des vins français.



Pour vous, qu’est-ce qu’un grand vin ?

A : Un petit vin, c’est une demi-bouteille. Un grand vin, c’est un magnum et plus.  

M : Pour moi, un grand vin peut être un vin à 6 euros. Un grand vin, c’est avant tout du plaisir, de l’émotion.

A : Un grand vin peut aussi être un vin que l’on va déguster à un moment précis de sa vie. Ce sera un grand vin car vous aurez vécu une grande émotion.



Il y a des vins que vous avez envie de nous faire découvrir ?

M : J’en ai plein en tête, ça fuse ! J’ai rencontré une vigneronne hier, donc c’est elle qui me vient à l’esprit : Anne-Sophie Bodson, qui est à Saint-Hilaire d’Ozilhan, près de Nîmes. Elle travaille six hectares en biodynamie. Ses vins sont parfaits, vrais, justes. Elle va travailler des cépages connus, mais avec sa patte et son terroir. Elle respecte sa vigne et sa terre, et ça se ressent dans son vin.

A : Il y a un vigneron que j’aime beaucoup, qui est peu connu et qui fait du vin en Isère. C’est Nicolas Gonin, qui est en IGP Isère Balmes Dauphinoises, à Saint-Chef. Ses vins sont très précis, très bien faits. Il est ampélographe et se bat pour sauver de vieux cépages isérois, parfois disparus. Il s’entête à les retrouver, à les replanter et à refaire du vin. C’est une belle démarche. J’aime aussi beaucoup deux vignerons en Côte-Rôtie : Aurélien Chatagnier qui est un jeune vigneron qui fait des syrah faciles à boire, sur le fruit et François & Fils, qui fait aussi de très bons vins.



Avec tous vos conseils, on n’a qu’une envie, c’est de s’ouvrir une bonne bouteille ! Mais avant, un mot de la fin ?

M : Santé ! Et osez vous renseigner, osez en parler, osez goûter. Allez à la rencontre des vignerons, ces gens amoureux de leur terre qui travaillent dur pour mettre leur passion en bouteille.

A : Faites-vous plaisir, ne vous prenez pas la tête et buvez !



Envie de bons vins ? Rendez-vous à la Cave Café Terroir à Lyon. Vous n’êtes pas lyonnais ? Ça tombe bien, c’est une étape de notre roadtrip gastronomique ! Profitez-en pour y faire un stop.

Et vous, quel rapport entretenez-vous avec le vin ? Comment faites-vous pour choisir vos bouteilles préférées ? Avez-vous un.e vigneron.ne favori.e. ? Dites-nous tout en commentaire ou sur Facebook & Instagram.

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