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Granvillage en reportage chez Marc Foulon – L’art de fumer des poissons

Dans la catégorie Une journée avec...
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Le 21 décembre 2020
Découvrez le portrait de Marc Foulon, fumeur de poissons à Vienne En savoir plus
Marc foulon

Marc Foulon a connu la vie de bureau, la frénésie des grandes villes et le rythme effréné des grosses boîtes. La cinquantaine passée, après quelques mois de doute et une rencontre montagnarde providentielle, il décide de changer de vie. Marc nous partage ici les étapes de l’une des plus grandes décisions de sa vie.

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Marc est un fumeur de poissons


« Je m’appelle Marc Foulon, j’ai 56 ans et j’ai changé de vie. »

C’est ainsi que se présente Marc lorsque nous le rencontrons dans sa petite boutique-laboratoire à Vienne, au sud de Lyon. Cette nouvelle vie, il la passe à fumer. Rassurez-vous, nous ne faisons pas ici l’apologie du tabac. Marc n’est ni un fumeur compulsif, ni un fumeur de havanes, c’est un fumeur d’un tout autre genre. Un fumeur qui ravit les papilles exigeantes. C’est un fumeur de poissons.

« J’habitais Paris, je travaillais dans des grandes entreprises, je voyageais de partout et je menais une vie de fou. J’ai décidé de changer de vie. J’ai tout quitté et je me suis installé en province. En arrivant dans la région lyonnaise, j’ai étudié diverses pistes pour définir ma voie, espérant trouver comment vivre autrement. Je voulais travailler localement, ne plus avoir à quitter mon foyer des jours durant, ne plus me lever pour prendre un avion aux aurores. J’étais à la recherche de l’humain, d’échanges, de rencontres. »

Il a beau être curieux, Marc ne tombe pas pour autant sur une évidence. Studieux, il se penche sur des dizaines d’idées, en retient une vingtaine et part s’isoler au milieu des montagnes enneigées pour espérer trouver une réponse. Si vous croyez au destin, vous verrez peut-être là un signe de sa part : par la fenêtre de son chalet, il aperçoit un petit panneau annonçant « fumoir du Dombier » avec un numéro de téléphone. Intrigué, il compose les numéros et tombe sur un passionné qui a fumé des poissons toute sa vie. Le fumeur lui raconte son histoire. Marc a comme une révélation. L’élève demande au maître comment faire « Oh, mais ne vous inquiétez pas ! Je vous formerai ! ».

Marc rentre chez lui et annonce à sa femme qu’il a une nouvelle idée, bien différente de celles avec lesquelles il est parti.

Il étudie le marché. En France, la plupart des fumoirs se trouvent en Bretagne. Dans la région lyonnaise, un industriel dessert toute la région, mais aucun artisan n’est à signaler. La décision est prise. Marc rappelle le fumeur des montagnes, lui demande s’il peut le former. Il accepte. Il en cherche un autre et tombe sur un fumeur du sud de la France.

« Tous les fumages sont différents. C’est un savoir ancestral. Chaque fumeur écrit sa propre recette. J’ai été en Bretagne et j’ai étudié une première recette. Puis je suis allé à Toulouse pour en étudier une autre. Et enfin, j’ai créé la mienne. Je suis parti de zéro. Il me fallait des locaux, du matériel et beaucoup de patience. Quand on démarre de zéro dans l’artisanat, il faut savoir se remonter les manches. »

fumer des poissons

Les trois premières années sont très exigeantes. Marc est partout, tous azimuts : dans sa boutique, au labo, sur les marchés, les événements…

Peu à peu, les choix s’affinent et les réseaux de vente et distributions se construisent. Il s’oriente vers les réseaux de vente de produits du terroir, les épiceries fines, les magasins de producteurs et même la livraison à triporteur !

« En plus de ma boutique, mes produits sont dans une soixantaine de magasins et épiceries. Je crois beaucoup à l’artisanat local. J’ai des critères exigeants pour mes produits. Mon saumon est Label Rouge et les tranches sont impeccables. Je veux que le produit reflète la qualité et la beauté de mes matières premières. Je reçois tous mes poissons frais hormis les poissons de mer qui doivent être congelés pour des raisons sanitaires. Ils arrivent en filets. Ils ne sont pas désarêtés car je ne veux pas qu’on les touche. Je les prépare pour les rendre beaux, prêts à être fumés et je les sale dans des temps différents, selon la taille, l’arrivage, le poisson. Il y a beaucoup de temps de repos dans la fabrication du poisson fumé : Ils se reposent quand ils arrivent, mais aussi après le salage et s’affinent encore après le fumage. Je termine avec la découpe et l’emballage. Un saumon fumé ne doit pas être emballé tranché. Il faut le déguster fumé, entier pour qu’il n’ait pas pris l’air et ait préservé toute sa saveur. »

fumer saumon

Marc passe des heures à travailler ses poissons dans son laboratoire. S’il pouvait rallonger ses journées, il le ferait sans doute. Mais il mesure à quel point chaque geste compte.

« J’affine mes poissons durant plusieurs heures, voire-même plusieurs jours. C’est l’affinage qui donne du caractère au poisson fumé. C’est ce qui fait toute la différence avec un poisson fumé industriel. Chez les industriels, tout est fumé, tranché, affiné dans une seule et même journée. Je fais tout à la main. Ça prend plus de temps, mais le résultat est vraiment différent. »

Quand on parle poisson fumé, on pense souvent au saumon. Mais Marc, guidé par son inspiration et ce savoir-faire hérité de temps immémoriaux, propose bien d’autres choses.

« J’ai fait une collection de poissons fumés : truite, saumon, thon, hareng, haddock, anguille… tout ce que je peux fumer, je le fume ! Les gens se rendent compte que les possibilités sont multiples : en salade, chaud, froid, pour l’apéritif ou le dîner…
 Au début, j’ai commencé par fumer de petites quantités, et maintenant je passe des centaines de kilos de poisson chaque semaine.
Chaque fumeur a sa recette : plus salée, plus fumée… moi j’ai fait par rapport à mes goûts, à ma sensibilité, aux préférences de mes clients.
Aux origines, le fumage servait à conserver les aliments, on les salait et on les fumait. Ça se pratiquait beaucoup dans les régions du monde où la température est élevée, comme en Afrique, par exemple. C’est encore pratiqué dans certaines régions. »

Tout est bon dans le poisson de Marc. Même ce que d’aucuns qualifieraient de « déchets alimentaires ».

« Ce n’est pas parce que c’est du muscle que ce n’est pas bon. Je ne fais pas de chutes de saumon car ce n’est pas beau. Je préfère faire des copeaux de saumon. Pour cela, je récupère les tranches qui sont cassées, moins belles et je les mets de côtés. Je les travaille et les transforme en copeaux. Certaines parties ne peuvent pas être transformées. Alors depuis cette année, on les transforme en accras. Je ne fais pas encore de rillettes car je n’ai pas la place dans le labo, mais c’est une possibilité que nous envisageons.
Le seul véritable déchet, c’est la peau. Je suis allé voir une société qui la transforme pour la revaloriser. Ils étudient le projet. J’aime bien l’idée d’aller au bout de la chaîne. Je suis sensible aux questions environnementales. Je vois le monde se dégrader et je pense à mes enfants. Je l’ai connu avant, on voit qu’on s’enfonce. Avant, il y avait moins de pollution, des vraies saisons. La planète semblait bien moins abîmée.
Alors, on essaie de faire attention. Par exemple, mon producteur de truites avait toujours travaillé avec du polystyrène. Depuis un an, il est passé aux boîtes en carton pour pouvoir les recycler. Mais malheureusement, on ne peut pas changer les choses du jour au lendemain. Ça se construit petit à petit, mais ça avance. »


« Si on a la chance de faire son travail par passion, alors on ne compte pas ses heures »

 
Au fil des années, l’offre s’est affinée et le geste s’est affûté. Le laboratoire a commencé à devenir trop étroit pour les ambitions de Marc et l’éventail de produits fumés. Alors le fumeur est aux aguets, en quête d’un atelier pouvant les accueillir, lui, ses salariés et ses nombreuses idées. Il cherche un lieu où il pourrait fumer ses poissons sans limite, mais aussi et pourquoi pas, de la viande et même des fromages.

laboratoire poissons

« Un client m’a même demandé si je pêchais. Si je pouvais, je le ferais ! Mais malheureusement, je manque de temps pour me rendre en Écosse ou en Irlande tous les matins, nous confie-t-il en riant. Je n’ai pas encore eu l’occasion de rencontrer les pêcheurs, mais je les choisis avec soin. Ce sont des petites fermes, qui travaillent de manière artisanale et privilégient la qualité à la quantité. »

Même si les journées sont éreintantes, Marc ne regrette pas son changement de cap. Fumer n’est pas seulement son métier, c’est devenu sa passion. Et s’il aime passer de nombreuses heures à fumer dans son laboratoire, il n’en apprécie pas moins les rencontres qui jalonnent sa vie, avec les producteurs locaux, les clients, les vendeurs. Mais comme tout entrepreneur, il doit aussi composer avec des contraintes administratives chronophages.

« Dans l’entrepreneuriat, les 35 heures n’existeront jamais et c’est parfois difficile de travailler 14 heures par jour à 56 ans. Il faut beaucoup d’acharnement, beaucoup de travail pour s’en sortir. Si on a la chance de le faire par passion, alors on ne compte pas ses heures et ça peut marcher. Il faut se bagarrer, faire ses choix, accepter d’abandonner certaines choses qui ne rapportent pas. On a du mal en France avec l’administratif. C’est toujours un peu douloureux. Il faut écouter les producteurs, les comprendre, accepter leurs contraintes et mettre en place des solutions. Écouter quelqu’un, c’est lui donner le sentiment d’être reconnu. On a alors plus de facilités à accepter les contraintes si on se sent reconnu. »

marc fumeur de poissons


« Je ne veux pas retomber dans le monde que j’ai souhaité quitter »


Il y a eu des obstacles sur le chemin, mais aujourd’hui, l’avenir semble sourire à Marc. Durant notre rencontre, les clients qui entraient dans sa boutique en ressortaient avec un sourire contagieux. Les succès sont au rendez-vous, mais le fumeur viennois garde les pieds sur terre.

« Je n’ai pas l’ambition de devenir un grand acteur du marché. Je ne veux pas retomber dans le monde que j’ai souhaité quitter.
Je n’ai pas envie d’ouvrir d’autres boutiques. Je préfère proposer des nouveaux produits, toucher d’autres réseaux. »

Si Marc est présent sur granvillage, c’est parce qu’il voue un amour profond aux circuits courts.

« C’est important d’avoir un contact presque direct avec les consommateurs. Ça permet de mettre en valeur les belles choses qui se passent dans les terroirs qui nous entourent.
Les producteurs et artisans sont prêts pour les circuits courts. C’est maintenant aux consommateurs de franchir le cap, de faire le choix de la qualité, du savoir-faire, d’accepter de payer parfois un peu plus cher pour de bons produits. »

Alors que nous nous apprêtons à reprendre le volant pour aller à la rencontre d’autres producteurs granvillage, Marc nous confie son leitmotiv :

« Autant viser la lune, car même en cas d’échec on finit dans les étoiles. Ce n’est pas de moi, c’est d’Oscar Wilde, admet-il en souriant. La vie est un combat pour tout le monde, alors autant en faire un beau combat. »


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Photos : Thomas Spault.

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